Des ruines aux monuments historiques : les notes de voyage de l'inspecteur Mérimée

Conférencier / conférencière

Prosper Mérimée fut, de 1834 à 1859, inspecteur général des Monuments historiques. Cette fonction l'a contraint à des tournées incessantes en province, d'où il envoie des rapports et des courriers, en particulier à Ludovic Vitet, président de la Commission des Monuments historiques sous la Monarchie de Juillet.
Le goût romantique pour l'histoire, le Moyen-Âge, le respect du passé et la réflexion que suscitent les restes de l'architecture l'influencent indubitablement. Pourtant, sa vision est pragmatique, et il n'apprécie guère le flou de grandes idées confuses ou de vagues doctrines. Vitet dit de lui : "Mérimée admire les beaux monuments mais il n'a jamais senti ses yeux se mouiller à l'aspect de leurs ruines." Il cherche à les restaurer, autant que possible, sans toutefois en venir aux excès de la rénovation intégrale, contre lesquels il s'emporte. Il prétend garder aux ruines leur aspect de vétusté. Quand le monument paraît irrécupérable, il est, à son point de vue, "bon pour les peintres".
Les haltes qu'il décrit dans ses courriers sont des églises, des arcs romains, des hôtels particuliers à sauvegarder. Son intérêt est essentiellement artistique et historique, mais il se définit en termes de coût de restauration, de politique d'aménagement, de choix d'architectes compétents. Mérimée pose les questions essentielles quant à la gestion des œuvres architecturales du passé, l'équilibre entre les besoins du modernisme et la sauvegarde des monuments anciens, la répartition des responsabilités entre Église et État, entre communes et ministères. Inspecteur, il exerce un pouvoir de décision face à des municipalités, des ecclésiastiques, des hommes de l'art, plus ou moins récalcitrants.
Il ressort de ces confrontations des récits souvent drôles, sur un ton désabusé ou autoparodique : à certains égards, le voyage devient pour lui la composition de scènes de la vie de province. Certes, il n'est pas le seul à visiter des monuments ruinés et à en donner une description. Mais ses notes de voyage ne sont pas celles d'un touriste, encore moins d'un rêveur : son itinéraire est dicté par les nécessités de son travail et ne dépend pas de sa fantaisie. Le pittoresque des paysages n'est pas l'objet essentiel de ses comptes rendus. Ses voyages sont évoqués d'un trait saillant, ou se limitent aux incidents les plus remarquables : ce n'est que rarement sa personne qui est en cause, et ses impressions de voyage, telles qu'elles nous apparaissent dans sa correspondance en particulier, sont guidées par la raison et le souci de sa fonction, plus que par son imagination ou ses propres aspirations. C'est ainsi qu'il fait preuve, dans ses voyages, de ce que Stendhal avait loué dans La Vénus d'Ille : "l'admirable attention aux petites choses, trait du bon romancier, et la hardiesse d'appuyer sur ces petites choses."

Référencé dans la conférence : Voyager en France au temps du romantisme
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