Discussion 2 : Poésie et voyage

Conférencier / conférencière

Discussion 2 (après Candaux et Racault) : Mme Cotoni précise que le texte de Voltaire "Voyage à Berlin" est une lettre fictive dont la date réelle est 1753. Le destinataire explique les différences et pourquoi il n'y a ni badinage ni frivolité. La date a une importance réelle et il faudrait peut-être ajouter au corpus d'autres lettres de Voltaire et surtout une lettre de Frédéric II. M. Candaux répond que la date de publication importe en fait plus que la date de composition, car la parution semblerait relever d'une stratégie éditoriale profitant d'une vogue contemporaine. Les éditeurs n'insèrent pas la lettre dans la Correspondance mais donnent au texte le nom de "Voyage à Berlin" parce qu'il correspond à une mode. Il en va de même pour les lettres de Racine et de La Fontaine : c'est plus tard qu'elles sont publiées, au moment où cela est au goût du jour. M. Deloffre ajoute que le Voyage en Prusse des Mémoires de Voltaire mériterait aussi d'être intégré au corpus. Rachel Lauthelier demande si c'est l'itinéraire qui permet ce type de voyage, et si le voyage au long cours permet aussi cela. Le parcours linéaire a-t-il un effet différent du parcours circulaire? Le cas de Challe, qui écrit dans les deux formes, serait peut-être exemplaire. M. Deloffre répond que Challe est vraiment un cas à part, peu emblématique. M. Racault explique que dans les "vrais" voyages, il existe certains cas analogues, comme Leguat, mais les vers sont généralement en annexes, et non dans le corps du texte. Rachel Lauthelier ajoute que le voyage au long cours implique de réels périls et donc une errance moins libre. L'itinéraire dans ce cas est plus précis et il y aurait donc bien une différence de genre fondée sur l'importance de l'itinéraire, fixe ou libre. M. Racault explique que sur un itinéraire comme la Route des Indes, très connu et très parcouru, avec peu d'escales, l'ennui à bord est récurrent, ce qui implique des discussions, des lectures et des commentaires écrits. Pingré insère parfois aussi des citaations poétiques. M. Lançon, à propos des "faux récits de voyages", pose la question du lien de la langue à la parole et aimerait savoir ce qui est peint finalement, s'il y aurait une inquiétude à dire, tout à fait pré-moderne, ou s'il s'agit d'un pur amusement. M. Candaux précise que ce ne sont pas de "faux" récits de voyages car ils ont tous vraiment eu lieu, et réfute l'interprétation pré-moderne. M. Racault souligne que Bertin et Parny dégagent une vraie poésie philosophique qui cherche à affleurer et qui n'y arrive pas. M. Lançon demande des précisions sur l'idée d'anticipation aux rêveries pré-nervaliennes. M. Racault précise qu'il ne référait pas au Nerval du Voyage en Orient mais à l'auteur de Sylvie, plutôt. Sarga Moussa demande à M. Candaux si l'impact de la nature et le lien avec Rousseau pourraient mener à une inquiétude, et s'il s'agit d'une nature idéalisée ou d'une attention au vide. M. Candaux explique qu'il y a les deux, mais que l'opposition entre la vie paisible de la retraite et le tumulte des affaires est un topos qui remonte à Horace, et qu'il s'agirait plutôt d'une forme de permanence réactivée, et non d'une nouveauté (cf. Bridel). Mais la référence à Rousseau est pertinente seulement en ce qui concerne le but : il est très difficile de trouver de la vraie nature dans ces textes, la leçon du Rousseau botaniste n'apparait pas. Plus que de la nature, il faudrait parler des paysages, de certains panoramas, de paysages alpestres... On trouve même une helvétisation de la Corse... M. Mortier demande pourquoi exclure le voyage de Néel. Certes, il n'y a pas d'alternance entre vers et prose, mais l'idée de parodie et de pastiche est présente et bien dans la lignée du voyage amusant. Il faudrait en fait créer une catégorie à part pour la parodie, qui correspond au grand succès du genre.

La condescendance du parisien est renversée : il devient ridicule sur son bateau de haute navigation dans la Seine. Le pastiche ne devrait pas être exclu. M. Candaux convient d'établir une bibliographie négative par rapport à cette bibliographie positive. La bibliographie qu'il propose a en fait écarté autant de textes qu'elle en a gardé. S. Venayre demande à M. Racault si, à propos de l'ironie, on peut parler de dégradation de l'aventure chevaleresque des textes médiévaux à la manière de Don Quichotte. M. Racault est d'accord, et montre que la référence au Don Quichotte, qui fonctionne comme hypotexte, est très souvent implicite. Quant au merveilleux médiéval, on le trouve dans les apparitions mythologiques (Pompignan parle même d'un druide). Il ressemblerait au genre troubadour, avec une référence au style marotique. Y. Bellenger explique que la parodie est sans doute un hommage en forme de clin d'oeil ironique à une autre forme de prosimètre, la pastorale de Sannazar, avatar du prosimètre. Elle se pose la question d'un clin d'oeil à une origine du genre et réfère aux travaux sur le prosimètre pastoral et sur le prosimètre au XVIIe siècle. Sarga Moussa demande à M. Racault si la mixité propre à l'aspect composite du genre viatique est un critère plus thématique que formel, et si ce genre amusant pourrait être une forme hyperbolique du genre lui-même. M. Racault explique qu'il s'agissait là de son hypothèse de départ mais que, au final, il ne le pense pas, car les topoï ne reviennent pas, et essentiellement celui de la circularité du récit de voyage qui comporte un aller, un séjour et un retour. Ici le voyage est linéaire, il n'y a pas de renfermement narratif, et, sur le plan thématique, la correspondance ne fonctionne pas non plus car il y a peu de descriptions, et qu'elles sont toutes conventionnelles. M. Candaux n'est pas d'accord car ses statistiques montrent que le parcours circulaire est plus fréquent que les récits au parcours linéaire, et que les parisiens ne sont pas en majorité. Il envisage l'idée que le choix du corpus de M. Racault, fondé sur 15 textes, aurait peut-être changé l'angle d'analyse. Sylvie Requemora, enfin, interroge le lien possible entre les travaux de Delphine Denis sur l'archive galante et le genre du voyage galant en prose et en vers au XVIIe siècle.

Référencé dans la conférence : 12e Colloque international du CRLV : Poésie et Voyage
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