Jérusalem des tropiques, l'utopie de l’Église primitive dans les écrits missionnaires d'Amérique au XVIe et XVIIe siècles

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La colonisation du Brésil par les Européens au cours du XVIe siècle fut considérée par certains esprits religieux comme le signe d’un nouveau commencement, et la possibilité de réaliser sur terre la Jérusalem céleste de la _Civitas Dei_ de saint Augustin. Les fondements utopiques de la mission chrétienne en Amérique vinrent de ce texte, qui justifiait une quête : reconstituer quelque chose qui ressemblât à l’Eglise primitive, celle que formèrent, avant 70 et la destruction du Temple, les apôtres, auxquels se joignit saint Paul, l’apôtre des Gentils. Ce dernier évangélisa en dehors de la synagogue, rompit avec les pratiques du judaïsme (circoncision) (Concile de Jérusalem) et proposa le christianisme au monde. Trois saints parurent au cours des siècles renouveler les principes de cette Eglise primitive, saint François d’Assise, apôtre de la pauvreté et créateur des ordres mendiants, Joachim de Flore, qui annonçait la fin prochaine du monde (millénarisme) et le jugement, et le texte de saint Augustin réinterprété de manière erronée comme un discours sur le sens de l’histoire qui réaliserait la nouvelle Jérusalem. La découverte de l’Amérique annonçait le retour et la fin des temps. Les franciscains envoyés par les Rois catholiques furent les premiers à évangéliser la Nouvelle Espagne ; ces disciples de saint François participaient du millénarisme ibérique. Ils crurent retrouver en Amérique les quatre fleuves de la Genèse et virent dans les Indiens les descendants des Cananéens vaincus par Josué à Jéricho. Ils pensaient aussi que les Indiens pouvaient descendre de Cham, le fils réprouvé de Noé, que saint Thomas les avait évangélisés et qu’ils en avaient perdu la mémoire. A partir de 1524, les franciscains établissent en Nouvelle Espagne des villages indiens destinés à créer cette société nouvelle. Les missionnaires sont très optimistes, car les populations semblent vivre selon les lois de la nature, en toute innocence, même s’ils ont des pratiques un peu dérangeantes (cannibalisme…) (Textes 1-3). Ces villages qui échappent au pouvoir des vice-rois espagnols sont rapidement abandonnés. En 1572, les jésuites arrivent en Nouvelle Espagne et pratiquent une tout autre politique en intégrant les Indiens métis dans la vie citadine et la société coloniale (collèges). Que sont alors les jésuites ? Leurs fondateurs avaient aussi en vue la reconstitution de l’Eglise primitive, cette première communauté chrétienne. Il y a du saint Paul en Ignace de Loyola : un soldat blessé à qui vient la Révélation. En 1534, le serment de Montmartre marque le début de l’apostolat d’Ignace et de ses sept compagnons. La Bulle pontificale qui crée la compagnie est de 1540. Dès 1549, les jésuites sont au Brésil (colonie portugaise où ils ne sont pas en concurrence avec les franciscains). Leur méthode d’évangélisation est la conversion directe par la parole, d’où la nécessité d’une fréquentation constante des autochtones. Les pères doivent être davantage des modèles de vertu plus que des lettrés, dans la tradition du modèle absolu, saint François de Xavier, l’apôtre des Indes (orientales), dont le nom est constamment présent dans les relations écrites par les pères. Xavier est lui-même l’image moderne de ce que fut Paul aux origines du christianisme. Le collège jésuite de Coimbra forme des missionnaires à l’image de Xavier, mais dans une atmosphère de mysticisme et de macérations brutales qui amènent Rome à intervenir et à en destituer le directeur, le père Anchieta, qui sera le Xavier du Brésil. Dès 1549, les choix stratégiques de la mission brésilienne sont de faire des populations indiennes une nouvelle humanité et de voir dans l’utopie de la nouvelle Jérusalem la seule réponse aux difficultés du réel. Néanmoins, à la différence d’autres congrégations missionnaires, les jésuites ne sont pas millénaristes. Il s’agit pour eux d’isoler les Indiens de la société coloniale portugaise considérée comme vicieuse et corrompue, et même de lutter contre tous les pouvoirs en place, fût-ce leur propre hiérarchie romaine qui ne les suit pas. Ils profitent du fait que le roi de Portugal les laisse seuls agir au Brésil, d’où les autres ordres missionnaires sont bannis (franciscains et dominicains) comme trop inféodés à la couronne d’Espagne. Leur action est une réussite pendant la première évangélisation. On peut y distinguer trois époques : une première où les Indiens à l’excellent naturel sont considérés comme de futurs chrétiens de qualité. Lors d’une seconde période, les jésuites quittent les côtes brésiliennes et vont vers l’intérieur : ils créent le futur São Paulo, village indien sous leur contrôle, élément d’une chaîne de peuplement qu’il voudraient mener jusqu’aux côtes du Pérou. Les relations des pères célèbrent ces succès (Texte 5). L’Indien converti est un modèle de pureté dans un univers colonial corrompu : l’avenir est entre ses mains (Texte 4). La troisième époque marque une évolution vers l’intégration des villages indiens dans le tissu des villes : ce sera un échec et la fin de cette expérience au Brésil (1562). Les pères vont reprendre ce projet dans une terre au milieu des terres qui n’appartient ni à l’Espagne ni au Portugal : ce sera, au début du XVIIe siècle, la république jésuite du Paraguay et ses fameuses « réductions », des villages copiant le modèle brésilien. Les pères tenteront encore de faire des marchands de Pernambouc des marchands d’âmes… Mais le résultat sera moins positif avec ces Européens transposés. Sans en recevoir l’ordre de leur hiérarchie comme on l’a souvent prétendu, les premiers jésuites du Brésil ont, selon une méthode qu’ils emploieront ailleurs, fait preuve de pragmatisme et d’adaptation au concret pour recréer en Amérique l’Eglise primitive qui annonçait le renouveau.

Quelques éléments de bibliographie

Laborie, Jean-Claude, Mangeurs d’homme et mangeurs d’âme, une correspondance missionnaire au XVIe siècle, la lettre jésuite du Brésil, 1549-1568. Paris, Honoré Champion, 2003.
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Delumeau, Jean, Mille ans de bonheur, une histoire du paradis, Paris, Fayard, 1995.
Vieira, Padre Antonio, Historia do futuro, Lisbonne, Casa da moeda, 1981.
Bataillon, Marcel, « Évangélisme et millénarisme au Nouveau monde » dans Courant religieux et humanisme à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, Colloque de Strasbourg, mai 1957, Paris, PUF, 1959.
Phelan, J. L., The Millenial Kingdom of the Franciscans in the New World, Berkeley, University of California Press, 1956.
Nobrega, Manoel da, Cartas do Brasil e mais escritos (opera omnia), introduction et notes de Antonio Serafim Leite, Coïmbre, Universidade de Coïmbra, 1955.
Gliozzi, Giuliano, Adam et le Nouveau Monde, la naissance de l’anthropologie comme idéologie coloniale : des généalogies bibliques aux théories raciales (1500-1700), Lecques, Théétète édition, 2000.
Augustin, (Saint), La cité de Dieu, (3 vol), Paris, Seuil (point sagesse), 1994.
Vasconcellos, Simão de, Cronica da Companhia de Jesus, (1ère édition 1663), Petropolis, Vozes, 1977.

Texte 1
« Ces Indiens, pour gagner le ciel, ne sont quasiment empêchés par aucun des nombreux obstacles que nous avons, nous, Espagnols, et dans lesquels nous sommes embourbés. Car ils se contentent de peu pour vivre : si peu qu’à peine ont-ils de quoi se vêtir et s’alimenter. Leur nourriture est très pauvre et il en va de même pour le vêtement. Pour dormir, la majorité d’entre eux ne possèdent même pas une natte en bon état. Ils ne se tourmentent pas pour acquérir ou garder des richesses, et ils ne s’entretuent pas pour obtenir grandeurs et dignités. Ils se couchent avec un pauvre sac et ils réveillent prêts pour servir Dieu. » Toribio Motolinia, Historia de los Indios de la Nueva España.

Texte 2
« Simples, sans mal, ni convoitise, ils prennent le plus grand soin à apprendre ce que les missionnaires leur enseignent, en particulier ce qui touche à la foi. Beaucoup parmi eux savent et comprennent en deux ou trois jours les vérités du salut et comment s’acheminer au baptême. Mais le malheur, c’est que certains prêtres qui commencent à les instruire voudraient les voir devenus aussi saints en deux jours qu’ils travaillent avec eux que s’ils les avaient enseignés pendant dix ans. Et comme ils ne leur paraissent pas arrivés à ce niveau, ils les abandonnent. En quoi ils ressemblent à quelqu’un qui, ayant acheté un mouton très maigre, lui donne à manger un morceau de pain et lui touche la queue pour voir si elle est devenue grasse. » idem.

Texte 3
« Leur dispositions sont si bonnes que, moi, un inutile et un bon à rien, je suis capable, avec l’aide modeste de quelques associés, de gouverner une province de 50.000 Indiens organisés et ordonnés en une si bonne chrétienté que la province tout entière pourrait être comparée à un monastère. C’est comme l’île d’Antillia des Anciens que d’aucuns disent enchantée et qui est située non loin de Madère. À notre époque, elle a été aperçue de loin. Mais elle disparaît quand on s’approche d’elle. À Antillia, il y a abondance de biens temporels et la population passe son temps à marcher en processions et à louer Dieu par des hymnes et des cantiques. On dit que l’île contient sept villes avec un évêque résidant en chacune d’elles et un archevêque dans la cité principale. Il faudrait que nos souverains, les rois d’Espagne, requièrent du souverain pontife l’ordre de faire jeûner et prier dans toute la chrétienté pour que Dieu permette que cette île soit découverte et placée sous l’obédience et dans le giron de l’église catholique. Il serait également judicieux de prier Notre Seigneur pour que les Indiens soient organisés et répartis dans des îles semblables à celles d’Antillia. Alors ils vivraient dans la vertu et la paix, au service de Dieu, comme dans un paradis terrestre. À la fin de leur vie, ils iraient au ciel, et ainsi ils éviteraient toutes les tentations à cause desquelles beaucoup des nôtres vont en enfer… et ils posséderaient le plus grand bonheur que l’on puisse désirer sur cette terre. » Mendieta, Historia eclesistica Indiana, 1596.

Texte 4
M.N. — Il faut bien plus. Regardez ce qu’étaient les apôtres du Christ qui ont converti le monde et réglez-vous sur eux. En premier lieu, ils avaient beaucoup d’esprit, au point de brûler du feu intérieur de l’Esprit Saint, parce que celui qui a le cœur tiède ne saurait animer le cœur d’un gentil d’un feu divin ? Le missionnaire devra donc avoir une grande foi, mettre toute sa confiance en Dieu et douter beaucoup de lui-même. Il devra avoir reçu le don de très bien parler la langue indigène ; il devra avoir la vertu de faire des miracles et bien d’autres dons qu’avaient ceux qui ont converti des peuples, sans quoi je n’ai pas ouï dire que l’on convertisse. Et vous, vous voulez convertir sans tout cela et que sans effort ils deviennent tous aussitôt des saints ? Ce serait là le plus grand miracle du monde. Bien que vous soyez interprète et sachiez leur parler, ne niez pas que quand l’un d’eux ne vous répond pas comme il faut, vous perdez aussitôt patience et dites qu’ils ne seront jamais bons. Ils n’ont d’ailleurs aucune raison de prendre vos paroles pour argent comptant. Ils pensent qu’aujourd’hui vous voulez les tromper, vous qui, hier, leur preniez les enfants pour en faire des esclaves. De fait ils ont raison de se méfier et de croire que vous voulez les tromper, car c’est ainsi que les mauvais chrétiens agissent envers eux habituellement.
G.A. — Cela est bien vrai. Mais les pères qui leur parlent avec tant d’amour, pourquoi ne croient-ils pas en eux ?
M.N. — Parce que jusqu’à présent les Indiens n’ont pas pu voir cette différence entre les pères et les autres chrétiens, prenez donc cet exemple : saint Jacques, qui courut toute l’Espagne et parlait très bien la langue, tout en faisant preuve d’une grande charité et en accomplissant beaucoup de miracles, ne convertit pas plus de neuf disciples. Et vous voulez, vous et les pères, sans faire de miracles, sans savoir la langue ni vous entendre avec les Indiens, en vous considérant de manière présomptueuse comme des apôtres et en plaçant peu de confiance et de foi en Dieu, en faire rapidement de bons chrétiens ? Néanmoins, pour vous faire plaisir, je vous dirai que l’on a déjà vu des Indiens de ce pays montrant des signes évidents de la vraie foi, leurs actes l’attestant : et cela non seulement parmi les enfants que nous élevons, mais aussi des adultes avec qui nous sommes récemment entrés en contact. Qui n’a vu dans la capitainerie de São Vicente, région du Brésil dans laquelle on a le plus fréquenté les Indiens, la mort glorieuse de Pero Lopes? Qui n’a vu ses larmes et les gestes d’amour envers les frères et les pères ? Et sa femme, si vertueuse, si étrangère à ses anciennes coutumes, qui vit en honnête veuve et bonne chrétienne, tant et si bien qu’elle est apparue à tous digne de recevoir le très saint Sacrement ! Et que dirais-je de ses deux filles, y a-t-il meilleures chrétiennes ! Que dirais-je de la foi du très vieux Cayobi, qui quitta son village et ses champs pour venir mourir de faim à Piratininga par amour pour nous, et dont la vie, les mœurs et l’obéissance attestent de la foi qu’il avait au cœur ! Qui n’a vu arriver de très loin Fernão Correa, une foi fervente dans l’âme, pour demander le baptême et, après l’avoir obtenu, être enlevé par le Seigneur Et de bien d’autres du village, qui, bien que ne renonçant pas à leur mauvaise vie en raison de l’exemple donné par les mauvais chrétiens, semblent avoir la foi, puisqu’ils ont cessé de commettre le principal péché, celui auquel ils étaient le plus attaché, à savoir tuer l’ennemi au centre du village et manger sa chair. Qui peut ignorer que, lorsqu’ils partiront en guerre et feront des prisonniers ennemis, ils les tueront et les enterreront ? Et pour vous réjouir un peu plus encore, je vous dirai aussi qu’on a vu à Mandisoba, lors de la mise à mort de quelques Carijó, un Indien qui accompagnait les pères s’offrir en martyr avec ferveur et larmes, afin que ces Indiens puissent mourir chrétiens, et bien d’autres faits qui arrivent tous les jours et qu’il serait trop long d’exposer. Si, avec des ouvriers si faibles, on a pu cueillir rapidement un si bon fruit, comment cela serait-il possible que N. Seigneur n’en cueille pas plus s’il envoie dans sa vigne de bons ouvriers, pourvus de tout le nécessaire ? Je suis sûr que si vous reveniez au temps des Martyrs et voyiez les massacres accomplis par les infidèles sourds et aveugles aux innombrables miracles et merveilles, comme aux multiples prêches et raisonnements, vous et moi dirions : « ceux-là ne seront jamais bons ». En résumé, je dis : « Allons, ce ne sont que des mots » Car convertir est d’abord l’affaire de Dieu. Comme personne ne vient à la connaissance de Jésus-Christ qui ne soit apporté par Dieu, son Père, qui peut de pierres faire des fils d’Israël, de même personne ne peut obtenir le salut ni la grâce sans lui.
G.A. — Tout procède de Dieu. Mais la volonté du gentil est aussi nécessaire car j’ai entendu dire que, selon saint Augustin, Dieu m’a fait sans moi mais qu’il ne me sauvera pas sans moi.
M.N. — Quant aux gentils, je pense qu’ils sont tous, les uns et les autres, du fer froid, et que, lorsque Dieu voudra les mettre sur la forge, ils se convertiront aussitôt. Et si ceux-là, pour s’être jetés les derniers dans le feu, restent dans la fournaise de Dieu, le véritable forgeron, le maître du fer en sait le pourquoi, c’est-à-dire les mauvaises dispositions qu’ils avaient, comme tous les autres, envers lui.
G.A. — Je souhaiterais avoir plus d’éclaircissements sur ce point.
M.N. — Plus quelqu’un aura d’empêchements pour se convertir, plus on dira qu’il y est moins disposé ; mais en fait, moins de mal Dieu devra extirper d’eux et plus ils seront disposés à venir à lui.
G.A. — Poursuivez et prouvez-le.
M.N. — Observez le mal chez un Indien et le mal chez un philosophe romain. Chez l’un, qui est très sauvage, le bonheur réside dans le fait de tuer des hommes et de collectionner des noms ; c’est la gloire pour laquelle ils accomplissent des exploits. Ils ne respectent pas la loi naturelle puisqu’ils s’entremangent. Ils sont luxurieux et menteurs et ne distinguent pas le bien du mal ; ils croient leurs sorciers. Voilà ce qui les définit. Chez l’autre qui est très savant, mais très orgueilleux, le bonheur réside dans la renommée, les plaisirs, ou dans ses victoires sur ses ennemis. Son esprit malin a dissimulé, selon ce que saint Paul en dit, la vérité que Dieu lui a apprise. Ils ne respectent pas la loi naturelle bien qu’ils la comprennent. Ils sont très infectés du vice contre nature, grands tyrans et amoureux du pouvoir, âpres au gain et affolés à l’idée de perdre ce qu’ils possèdent. Ils adorent des idoles, leurs sacrifient du sang humain et commettent toutes autres sortes de méchancetés ; cela, vous ne le verrez pas chez les Indiens parce que, d’après les pères qui les confessent, ils ne transgressent que deux ou trois commandements et entre eux ils vivent, de toute évidence, en bonne intelligence. Lequel vous semble donc la roche la plus dure à broyer ? Extrait du « Dialogue de la conversion des Gentils » de Manuel da Nobrega, 1556, trad. In La mission jésuite du Brésil.

Texte 5

La manière d'enseigner dont on use avec eux, et qui est encore aujourd'hui en vigueur dans les villages du Brésil ( sans beaucoup de variation pour certains ), est la suivante. Pour commencer le matin, en entendant dans le village la cloche qui appelle à la messe, tous les enfants se rassemblent dans la grande chapelle de l'église, où, à genoux, en chœur égaux, ils entonnent à voix haute les louanges de Jésus et de la Vierge. Un des chœurs dit : "Béni et loué soit le très saint nom de Jésus" ; l'autre répond : "Et celui de la bienheureuse Vierge Marie, sa mère, pour toujours, amen". Et aussitôt tous ensemble : " Gloria patri vet filio, et Spiritui Sancto, Amen ". Et ils continuent jusqu'au moment de la messe. Pendant cette dernière, ils écoutent en silence. À la fin, ils attendent le religieux qui s'occupent d'eux, lequel leur enseigne à voix haute les prières de la doctrine chrétienne, et ensuite, de la même manière, les mystères de notre sainte foi, sous forme de dialogues, de questions et de réponses, composés pour cet usage en langue brésilienne, à propos de la Sainte Trinité, de la création du monde, du premier homme, de l'incarnation, de la mort et de la passion, de la résurrection et des autres mystères du fils de Dieu, du Jugement Dernier, des limbes, du Purgatoire, de l'Enfer, de l'Église catholique, etc. Ils se montrent si habiles qu'ils peuvent enseigner, et le font effectivement, dans leurs maisons, à leurs parents qui sont habituellement plus rudes ( compte tenu de ce que eux aussi, ainsi que les mères, ont une doctrine particulière tous les jours saints, ainsi que les dimanches, dans la même église, avec des pratiques adaptées à eux). L'enseignement terminé, les enfants recommencent en chœur : "Loué soit le très saint nom de Jésus". Les autres répondent : "Et celui de la très sainte Vierge Marie, sa mère, pour toujours, amen". Ils attendent ensuite qu'on les appelle, et ils vont tous ensemble à leur école, pour lire, écrire ou chanter ; d'autres à leurs instruments de musique, selon le talent de chacun. Ils en sortent si habiles au chant et aux instruments, qu'ils agrémentent les messes, les processions de leurs églises, avec la même perfection que les Portugais. À la vue de cela, un évêque qui y assistait ne put retenir ses larmes, en considérant un talent qu'il n'aurait jamais pu imaginer chez de tels sujets. Dans ces écoles, ils passent deux heures, et deux autres l'après-midi, quand retentit de nouveau la cloche, à laquelle ils obéissent ponctuellement.
Quand retentissent les Ave Maria de la nuit, ils se regroupent de nouveau à la porte de l'église et de là se forment en procession, derrière une croix levée, et en ordre s'en vont chantant dans les rues à haute voix des cantiques saints en leur langue, jusqu'à ce qu'ils arrivent à une croix qui est leur destination. Ils se mettent alors à genoux et recommandent leurs âmes au Purgatoire de la manière suivante, dans leur propre langue : "Chrétiens fidèles, amis de Jésus-Christ, rappelez-vous des âmes, qui souffrent dans le feu du Purgatoire ; aidez-les d'un Notre-Père et d'un Ave-Maria, afin que Dieu les délivre des peines qu'ils endurent. Et ils répondent tous "amen". Ils récitent à voix haute le Notre-Père et l'Ave-Maria, et retourne, toujours en procession, avec des chants jusqu'à la porterie des pères, où enfin ils entonnent et répondent comme suit : "Béni et loué soit le très saint nom de Jésus, etc. Ils attendent qu'on les renvoie et, renvoyés, rentrent chez eux. Cronica da compania de Jésu no Brasil, Simão de Vasconcellos, 1663.

Référencé dans la conférence : Civilisations et cités perdues dans la littérature des voyages
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