La cartographie et la mer : du Moyen Âge aux Grandes Découvertes.

Conférencier / conférencière

La cartographie est une espèce de littérature de la mer et de la terre. Elle témoigne du temps de latence entre celui de la découverte et celui de sa transcription sur la carte. A la fin du Moyen Âge, l’Afrique puis l’Amérique se dévoilent. Il y a alors des cartes de toute nature et de tout format. La carte dit le monde. A l’origine, la carte n’existe pas ; la littérature géographique est à base de listes et de nomenclatures de lieux. Contrairement à une idée encore répandue aujourd’hui, les hommes du Moyen Âge pensent que la terre est ronde, un globe. Mais les mappemondes définissent cinq zones : un zones froide et une zone tempérée au Nord et au Sud séparées par une zone torride, où l’eau océanique bout : elle est réputée infranchissable. La vie dans l’hémisphère sud (avant la connaissance de la gravité terrestre) est problématique, même si elle semble nécessaire. En 1374, Jean de Mandeville croit néanmoins possibles le passage au Sud et la circumnavigation. On situe encore le Paradis terrestre quelque part au fond de l’Asie ; il va insensiblement migrer, pour un temps, vers la zone équatoriale. Aux Antipodes, les Antichtones vivraient la tête en bas. La découverte maritime est liée à des conditions techniques et naturelles particulières. La navigation à voile doit attendre de pouvoir trouver la solution de remonter au vent par la voile triangulaire latine pour se libérer des vents dominants qui sont d’Ouest sur l’Atlantique. On en sûr de revenir quand on part d’Europe vers l’Ouest. Mais aller au Sud et à l’Est est une autre affaire. Pendant longtemps, la cartographie médiévale a pris pour axe la Méditerranée et située l’Orient et l’Occident où nous plaçons aujourd’hui le Nord et le Sud. Au centre d’une croix formée par la Méditerranée, le Don et la Mer rouge, se trouve Jérusalem, qui définit trois continents l’Europe, Afrique et l’Asie entourés d’un océan. Dès 1417, au concile de Constance, le cardinal Guillaume Fillastre évoque une « terra incognita » qui se trouverait au-delà des Colonnes d’Hercule, Gibraltar. Vers l’Asie, cette cartographie imagine et reproduit de nombreuses îles encore à découvrir, où tous les joyaux du monde attendent le navigateur entreprenant: la carte géographique suscite la découverte. Parallèlement aux cartes générales et aux mappemondes, se développent des portulans qui sont des cartes suivant le dessin des côtes où sont indiqués les éléments du paysage reconnaissables depuis la mer et les rumbs (lignes des vents). Couverts par le secret, les portulans ne servaient pas nécessairement à la navigation. Mais, à l’origine de la découverte, il y aura toujours des cartes préalables. Bientôt l’Occident prendra possession du monde par l’intermédiaire de la cartographie. Christophe Colomb est un excellent exemple de cela : la Bibliothèque Colombienne de Séville où l’on trouve les documents qu’il a utilisés montre l’étendue de sa culture géographique au moment où il partait vers l’Ouest. Le culte du secret pratiqué par les Portugais, les meilleurs navigateurs du temps, ne favorisait pas les concurrents au service de l’Espagne, comme Colomb. Le Portugal mena seul entre 1415 et 1494 la navigation le long des côtes africaines rendues difficiles d’accès par l’existence de barres. Le XVe siècle voit le renoncement de la Chine à posséder une flotte de haute mer : l’Empire du Milieu se referme sur lui-même pour quelques siècles. C’est aux Occidentaux de labourer les océans. Le premier globe construit par Martin Behem prouve la conscience qu’ont les contemporains de l’immensité océanique. Il faudra du temps pour remplir de terres immergées ces espaces liquides. La fameuse carte de Waldseemuller à Saint-Dié en 1507 nomme le nouveau continent découvert du prénom d’Amerigo Vespucci, auteur du _Mundus novus_, la relation de la découverte. Entretemps, le Traité de Tordesillas (1494) a distribué entre Portugal (vers l’Est) et Espagne (vers l’Ouest), selon une ligne qui coupe l’Atlantique, les possessions - à découvrir (îles)- des deux royaumes catholiques. La course à la découverte est ouverte. Le traité de Saragosse en 1529 délimite la ligne de partage en Orient à la suite de la contestation des Moluques (paradis du clou de girofle) entre les deux royaumes ibériques. Pendant longtemps, on croira l’Amérique une simple prolongation de l’Asie. La circumnavigation de Magellan, rédigée par Pigafetta clôt la première phase des Découvertes. De la carte d’exploration, on passera à la carte de conquête. La mer devient un élément constitutif de l’identité européenne.

La cartographie médiévale

Quelques éléments de bibliographie
Bousquet-Bressolier C ( dir) L’œil du cartographe. Paris CTHS 1995.
Gautier-Dalché P, Carte marine et portulan au XII , le liber de existencia riveriarum et forma maris nostri mediterranei Pisean circa 1200, Rome, Ecole Française, 1995.
Gautier-Dalché P « Les savoirs géographiques en Méditerranée chrétienne (XIIIe siècle)", dans Le scienze alla cortedi Federico II, Micrologus, 2, 1994, p. 75-99
Harvey P. Medieval Maps,London, British library 1991
Merdrignac B Le monde au moyen age, Rennes, ed ouest France, 2003.
Mollat du Jourdin M de la Roncière M de Les portulans, cartes marines du XIIIe au XCIIe siècle Paris Nathan, 1987.
Pastoureau M, Voies océanes, cartes marines et grandes découvertes, Paris BNF 1992.
Pelletier M (dir) Géographie du monde au moyen age et à la renaissance, Paris ed du CTHS , 1989.
Zumthor P, La mesure du monde, représentation de l’espace au moyen age, Paris, Seuil 1993.

Bibliographie complémentaire :

[Pigafetta, Antonio] Le Voyage de Magellan (1519-1522). La relation d’Antonio Pigafetta et autres témoignages. Édition établie par Xavier de Castro, Jocelyne Hamon et Luis Filipe Thomaz. Préface de Carmen Bernand et Xavier de Castro, Paris,, Chandeigne, 2007, 2 vol., 1088 p., cartes et ill.. couleur et noir et blanc [un monument magnifiquement illustré de la première circumnavigation publiée d’après les manuscrits avec le complément des récits des compagnons de Magellan et divers textes dont la lettre de Maximilianus Transylvanus (1522) et la chronique de Pietro Martire d’Anghiera (1530)].

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