Le sans-culotte sur les planches : l’expérience viatique de la Liberté (1789-An III)

Conférencier / conférencière

La Révolution est une époque d’intense activité théâtrale. A l’automne 1793, le gouvernement inclut le théâtre dans « un vaste plan de régénération ». Le Théâtre de l’Egalité (ex-Comédie française) reçoit alors l’ordre de donner des représentations gratuites de pièces patriotiques plusieurs fois par mois. Reflet d’une société où se multiplient les déplacements de toutes natures, la production théâtrale inclut la thématique du voyage, corollaire de la volonté politique de propagation de l’idéologie révolutionnaire affichée par les tribuns de l’Assemblée. Ainsi Chaumette, le 16 novembre 1792, déclare à l’Hôtel de Ville que toute l’Europe « jusqu’à Moscou sera bientôt francisée, municipalisée, jacobinisée ». Les soldats de l’An II propagent la République jacobine hors des frontières. Dans l’établissement de mon corpus, j’ai sélectionné sept pièces, écrites et jouées entre la prise de la Bastille et l’An III, qui exploitent les diverses potentialités offertes par les voyages et les déplacements, œuvres plus remarquables par le souffle patriotique qui les anime que par leurs qualités dramaturgiques et littéraires. Il faut donc renoncer aux critiques minutieuses et n’écouter que la langue de la liberté, sans doute est-ce ainsi qu’il convient d’aborder les pièces retenues pour cette étude : La destruction de l’aristocratisme, par un des auteurs de la cour plénière, drame de 1789 ; Charles II, roi d’Angleterre, en certain lieu, par un disciple de Pythagore, comédie très morale de 1789 ; Les Dragons et les Bénédictines et Les Dragons en cantonnement, deux comédies de Pigault-Le Brun de l’An II ; Les Victimes sauvées ou les horreurs de l’Inquisition, drame historique et patriotique par le citoyen Boubée, An II ; Le Jugement dernier des rois, prophétie de Sylvain Maréchal jouée en octobre 1793 et, en l’An III, Les Aristides modernes ou l’intérieur des comités révolutionnaires, comédie de Ducancel qui eut un immense succès puisqu’elle fut représentée deux cents fois de suite. Ces différents auteurs s’attachent à rallumer le civisme, à exalter l’amour de la patrie et de la liberté, à applaudir la naissance d’une nation fière et généreuse en confrontant ses émissaires au despotisme, à l’obscurantisme ou à l’ignorance. De l’événement fondateur de la prise de la Bastille à la chute de Robespierre, les positions politiques évoluent mais le patriotisme demeure, ce qui fait dire à Victor Jeanroy-Félix que « cette génération de 1789 fut décidément monomane ». Le sans-culotte voyageur, sur les planches, remplit une fonction qui oscille entre instruction et propagande. Comment, en exportant le modèle de la liberté et de la régénération républicaines, la thématique du voyage sert-elle cette volonté d’utilité civique ?

Référencé dans la conférence : Theatre & Travel 2 / Théâtre & Voyage II
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