Comme en Europe, la mise en tourisme de l’Inde est contemporaine du développement du chemin de fer. Aussi les Indes, après avoir été visitées par les aristocrates anglais qui ont étendu le « grand tour » au monde entier, deviennent-elles une destination touristique établie selon l’itinéraire suivant : Arrivée à Bombay en paquebot ; puis Agra, Delhi, Bénarès, Calcutta en train ; Madras en bateau ; puis le train vers Pondichéry, Maduraï ; Colombo à Ceylan, avant de continuer le voyage touristique vers la Chine et l’Indochine ou de revenir en Europe. Cet itinéraire souligne la prééminence touristique du Sud de l’Inde, prééminence que l’on retrouve encore plus chez les touristes pressés qui font l’Inde à toute vapeur en six jours, arrivant en bateau à Bombay, avant de gagner Madras, Maduraï en train, puis l’Indochine et l’Extrême-Orient.
En 1936, Lanza Del Vasto se rend en Inde pour rencontrer Gandhi et fuir l’Europe. S’il suit pour partie les itinéraires touristiques qui précèdent, il introduit une double rupture. La première est de ne plus seulement se déplacer en train, mais aussi et principalement à pied. De plus, il ne se contente pas de suivre des guides de voyage ou le récit de touristes français, il suit principalement les itinéraires de pèlerinages hindouistes, qui le mènent jusqu’aux sources du Gange, dans l’Himalaya. Il n’est certainement pas le premier à s’écarter ainsi des circuits touristiques devenus classiques, mais c’est lui qui inscrit, durablement, un nouvel itinéraire sur la carte indienne, avec un rééquilibrage vers le Centre et le Nord de l’Inde, privilégiant les villes et les hauts lieux de l’hindouisme, assimilant l’Inde à une solution aux problèmes de l’Occident... Récit de voyage devenu guide, Le Pèlerinage aux sources infléchit l’itinéraire de centaines et de milliers de touristes français.
Dans le même temps, au milieu des années 1960, le développement des transports aériens accélère la mise en tourisme généralisée de l’Inde. Un « triangle d’or » se dessine, dont les sommets sont Bombay, Agra et Delhi, auquel se rattachent quelques destinations reliées par avion : Katmandou, Calcutta, Pondichéry… En réfléchissant au rôle d’une innovation technique (le chemin de fer, l’avion) dans la constitution d’un espace touristique, et dans les représentations de cet espace, en considérant les inflexions des représentations de l’Inde et ce qui les induit, nous allons chercher à comprendre les pratiques touristiques des Français en Inde des années 1940 aux années 1970 : où vont-ils ? et pourquoi ?
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