Les dieux, démons et sexualités de l'Asie vus par les voyageurs du XVIIe siècle

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Au XVIIe siècle, l'altérité religieuse n'est jamais considérée du point de vue de la tolérance, terme encore fortement négatif. C'est pourquoi, pour les voyageurs sur la route des Indes qui vont intéresser cette conférence, la première religion qu'ils rencontrent, l'Islam, est un objet d'aversion ; rares sont les voyageurs comme La Boullay Legouz qui s'efforcent en apprenant l'arabe de pénétrer la réalité de cette religion. Un autre sacré que celui du christianisme n'est pas concevable. Plus que le monothéisme musulman issu de la tradition du Livre, le polythéisme hindou avec ses idoles variées et grimaçantes est considéré comme une manifestation diabolique, voire un culte satanique. Les pères de Missions étrangères, dont le père Jacques de Bourges, parlent de « hideuses figures » et d'un érotisme exubérant lié à ces cultes. Le Bouddhisme est de son côté mal interprété : il n'est pas vu comme un simple morale, mais comme une pure « idolâtrie », en particulier par les ecclésiastiques des ambassades françaises au Siam sous Louis XIV. La seule analyse relativement juste du Bouddhisme est le fait d'un laïc parmi ces voyageurs, Simon de la Loubère, qui a bien saisi le sens de la métempsycose et de l'illumination. Les missionnaires témoignent des difficultés à convertir des populations attachées à leurs croyances, en particulier dans les régions à dominante musulmane. Dans un mémoire, l'abbé Claude Fleury note que pour les Asiatiques toutes les religions sont bonnes. L'altérité sexuelle n'est pas moins profonde que l'altérité religieuse. On découvre en Orient des formes de sexualité, interdites ailleurs, et qui semblent acceptées ici. Les explications les plus variées fleurissent à ce propos : on y fait intervenir la théorie des climats - chaleur et sécheresse -, la nourriture, un Islam charnel. Aux Maldives, Pyrard de Laval note que la « paillardise simple » n'est pas considérée comme un péché. Le mythe du harem réservé à un seul fait beaucoup rêver, mais on on y médite aussi sur la sexualité des femmes qui y sont enfermées - onanisme. Tavernier évoque les « débordements » du « sérail », une « bergerie humaine » selon la formule de l'abbé Carré, qui est menacée de toutes parts. Mais c'est le « péché d'homme à homme » (Pyrard de Laval), l'inceste justifié dans de nombreuses civilisations asiatiques qui frappent plus encore les voyageurs, même si de Sodome à la descendance d'Adam les religions du Livre n'en sont pas exemptes. La prostitution des enfants est un autre sujet de scandale. Tout cela est apparemment réprimé dans les colonies portugaises (Goa) ou hollandaises (Sumatra). Certaines particularités de la sexualité asiatique intéressent les voyageurs, en particulier les grelots péniens destinés à une satisfaction sexuelle plus intense : selon des décomptes récents, vingt-trois voyageurs en parlent depuis le début du XVIe siècle, mais aussi Camoens, à Bornéo et dans de nombreux pays de la région ; un seul Français, Martin de Vitré, y fait allusion. Á la fin du XVIIe siècle, lors des ambassades siamoises, le fait n'est plus attesté. En conclusion, rien de plus relatif que la sexualité.

Bibliographie : Dirk Van der Cruysse; _ Le noble désir de courir le monde. Voyager en Asie au XVIIe siècle _, Paris, Fayard, 2002, 562 p., ill.

Référencé dans la conférence : Religion et sexualité dans la littérature des voyages (XVIe-XVIIIe siècles)
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