Esthétique
«Mes instructions portaient que je devais éxecuter, indépendamment des fonctions auxquelles j’étais appelé, le voyage dans la terre classique, non à la manière de ceux qui n’abordent dans un pays que pour l’honorer d’un coup-d’œil, mais en m’identifiant avec lui. On n’attendait pas de moi des notes ou des croquis relevés au milieu de la confusion des langues et des ruines, mais une description exacte du pays, sans rien supposer; une étude approfondie des institutions et des mœurs, débarrassée de maximes ou de métaphores qui servent communément à voiler des allusions ou des arrière-pensées. D’après ces bases précises, je présumai que mon plan était entièrement tracé par les auteurs anciens, et qu’il fallait simplement rechercher la Grèce dans la Grèce, en les prenant pour guides et pour autorité quand ils s’accordent avec des lumières de la raison, [...]. Conformément à ces idées naturelles, je pensai qu’avant l’époque desirée par les savants, où les Visconti futurs viendront librement interroger les ruines de la Grèce; Arrago, digne émule de Thalès et d’Euclide, déterminer astronomiquement les positions de ses villes renversées; Desfontaines ou Humbolt, en étudier la botanique; Haüy, en énumérer les richesses minéralogiques; et quelque autre infatigable Thouin, coordonner dans les jardins d’Alcinoüs le système des plantes décrites par Théophraste et Dioscoride; je pensai, dis-je, que je rendrais un service de quelque importance, en débrouillant le chaos qui couvre l’antique Hellade»(I/II-IV).
Si le style de l’ouvrage a par-fois quelque chose de poétique, c’est que les lieux, les sites et les souvenirs qu’ils rappellent le sont eux-mêmes. Ce n’est donc point une innovation dans le genre sévère du voyage, que je me suis permise; et je pense qu’on me pardonnera également d’y avoir introduit quelques chansons, qu’on ne pouvait traduire en prose sans leur ôter le coloris qui en fait le peu de mérite. Il en est de même des expressions par-fois helléniques dont je me suis servi pour exprimer des choses qui ne pouvaient être dites autrement, à moins d’employer des circonlocutions auxquelles il fallait donner des valeurs arbitraires; et je ne pense pas pour cela qu’on puisse m’accuser de néologisme. Au reste j’ai écrit sur les lieux, loin des bons modèles, à la vérité, mais étranger à toute espèce d’influence; et je n’ai depuis éprouvé que celle des savants dont j’ai pris les conseils, afin de régulariser mes travaux. Tous ont pensé que j’aurais nui à la vérité de mes tableaux, si je m’étais permis de les composer à tête reposée dans le silence du cabinet. Je les laisse donv avec leurs couleurs natives, en priant le lecteur de n’y voir ni allusion, ni double entente»(I/XLV-XLVI).
Je préviens donc que je parlerai désormais très-peu de ce qui m’est particulier; et je ne serais pas même entré dans ces détails, si je ne les avais crus essentiellement liés à mon sujet, et convenables à exposer, avant de faire connaître le résultat des travaux qui sont l’objet de ce voyage»(I, 92-93).
Le lecteur [...], va remarquer au lieu des détails nécessités par l’importance d’un territoire entièrement classique, dont toutes les parties, comme l’ensemble, appartiennent au domaine de l’histoire, des lacunes que j’ai mieux aimé laisser subsister, plutôt que de les remplir par des indications capables d’écarter des recherches nouvelles. Ainsi je garderai le silence sur ce que je n’ai pu voir ou discuter par moi-même, préférant, comme le voyageur prudent, m’arrêter où finit la lumière, plutôt que de m’aventurer dans les ténèbres»(I/308-309).
Je quitte le ton de l’itinéraire pour présenter dans leur ensemble les grandes vallées de l’Épire, et je vais réunir dans un faisceau, les particularités recueillies dans plusieurs voyages, [...]»(I/332).
Ceux qui ont voyagé savent combien la masse des détails est au-dessus des forces d’un seul homme, et les savants ne me sauraient pas gré des conjectures que je pourrais hasarder»(II/194).
Que le lecteur veuille me pardonner l’énumération barbare de ces lieux indignes d’occuper son attention, s’ils ne servaient pas à le guider à travers un pays, où souvent un nom antique, confondu parmi une pareille nomenclature, m’a mis sur la voie pour me conduire à des découvertes historiques»(II/357).
Du village de Voustri, où j’ai suspendu la narration de mon itinéraire, comme je le ferai encore à d’autres stations, afin de réunir dans un faisceau les reconnaissances topographiques faites à diverses époques, nous dirigeâmes au sud-sud-est et au sud-ouest, [...]»(III/126).
Je fus saisi d’admiration; et quoique le temps ait affaibli les impressions que j’éprouvai à cette vue, je ne connais pas de termes capables de rendre un pareil tableau»(IV/141).
Telle fut mon ébauche du bassin de Phénéon, à laquelle je pourrais rattacher les origines des principales colonies pélasgiennes qui sortirent de l’Arcadie, si un voyage permettait d’aborder une question de cette importance, ou plutôt si elle n’avait pas été savamment traitée par des écrivains du plus grand mérite»(IV/212).
Comme je n’écris point un livre avec des livres, je passerai sous silence ce qu’on peut apprendre dans Pausanias au sujet des Pélasges [...]»(IV/233).