de Victor Segalen à Nicolas Bouvier
Le Centre de Recherche sur la Littérature des Voyages qui s'est, jusqu'à présent, surtout consacré à l'époque classique, se propose de fournir un premier bilan du siècle écoulé. Plusieurs thèmes seront développés au cours des trois journées de son XVe Colloque international.
Genre littéraire multiforme aux origines lointaines, le récit de voyage occupe une place importante dans l'histoire de la littérature et fait l'objet de nombreuses études. Si les centres de recherches, les chercheurs et le public se passionnent pour cette littérature de l'ailleurs, ils privilégient le plus souvent des époques antérieures au XXe siècle. Peu d'études traitent en effet de façon globale de ce siècle qui compte pourtant quelques grands noms, parmi lesquels on peut citer Pierre Loti, Victor Segalen, Paul Morand, André Gide, Joseph Kessel, Blaise Cendrars, Michel Leiris, Henri Michaux, Raymond Roussel, Valery Larbaud, Claude Lévi-Strauss, Michel Butor, Jean-Marie Gustave Le Clézio, Jacques Lacarrière, Jacques Réda, Nicolas Bouvier, etc.
C'est précisément pour tenter de décrire et de comprendre mieux ce siècle de voyages que le C.R.L.V. organise son XVe colloque international. Afin de dresser ce premier bilan, les participants (littéraires, comparatistes, sociologues, anthropologues, ethnologues, spécialistes de l'image, de l'exotisme, etc.) se centreront, durant trois journées, sur quatre axes principaux.
Le premier (récit de voyage et tourisme planétaire) interrogera, par le biais de la question touristique, ce qui constitue sans doute une antienne du récit de voyage au XXe siècle : la crainte d'un monde fini, limité et inlassablement parcouru par des hordes touristiques. Cette approche sera l'occasion de traiter également de l'évolution des tendances et des pratiques touristiques, mais aussi de cet indispensable voyageur-repoussoir qu'est le touriste dans la plupart des récits de voyage ("le touriste, c'est l'autre").
Le second axe traitera de la politique et de la poétique du voyage, et plus précisément des ambiguïtés de l'altérité et de l'exotisme. Le XXe siècle s'ouvre en effet sur une proposition fondamentale de redéfinition de l'exotisme par Victor Segalen. Que devient cet exotisme au fil du siècle ? Quelle est la place de l'Autre dans les récits ? Quel est l'Autre et comment est-il traduit, décrit ? Comment et pourquoi parler d'une dimension politique de la littérature voyageuse ? Telles sont quelques-unes des questions qui constitueront l'ossature de ce second volet.
Les nouvelles formes et les nouveaux enjeux littéraires du voyage feront l'objet du troisième axe. Ce sera l'occasion d'aborder, entre autres, des dimensions esthétiques et génériques. Plusieurs questions seront posées : quels sont les enjeux littéraires de l'écriture viatique ? Pourquoi et comment continuer à écrire dans et à propos d'un monde où tout paraît avoir été dit et écrit ? ("Tous les voyages ont été faits, tous les récits écrits", déclare François Maspero au début des _Passagers du Roissy-Express_) Quelles sont les formes privilégiées (journaux, lettres, poèmes, récits, etc.) ? Comment l'hybridité caractéristique du récit de voyage est-elle exploitée ?
Enfin, ce sont les technologies de l'image qui seront étudiées dans une perspective bien précise : la volonté de représenter ou de reconstruire le réel. Le voyageur du XXe siècle dispose en effet de technologies pointues qui peuvent compléter ou remplacer l'écriture "classique" du périple. Quel usage en fait-il ? Une concurrence s'installe-elle entre la description et ces autres "médias" ? Quels sont les modalités, les enjeux, les contraintes d'un récit de voyage sur Internet ?