Andalousie et Portugal, par l'auteur des Horizons prochains

«[à Grenade:] [...] lorsque, tout rêveur, on fait comme ce jeune homme qui a laissé glisser son volume pour écouter le bruissement des feuilles agitées là-haut, vague soupir, pareil au gémissement des Mores, plaintif et plein de regret; si, lentement, on a monté la grande avenue, dans ce crépuscule éternel, bercé par ces musiques mystérieuses que font les pensées et les images des siècles d’autrefois quand, enchaînant leurs mains en de longues théories, elle accompagnent nos pas; si le matin, si le soir, au fort du jour encore, on s’est abandonné au hasard des lacets, tantôt prenant par le milieu de la nef de verdure, tantôt côtoyant les puissantes bases des torres Bermejas; si le front baigné de ces belles fraîcheurs, l’âme pénétrée d’un calme ineffable, on a suivi dans leur vol capricieux quelque mouche brillante qui se balançait au gré d’un rayon, quelque oiseau qui sautait de ramille en ramille! tout est dit, les magies nous ont saisi, le poème s’est chanté strophe après strophe à notre oreille; les années peuvent s’enfuir, les tableaux se succéder, des symphonies plus éclatantes nous émerveiller, nous entendrons toujours ce que nous racontait la belle Arabe, sous ces grands arbres, pendant que gazouillaient ses fontaines»(188-189).