Esthétique
«Quand même ce volume ne serait qu’une ruine, j’espère qu’on y trouvera le mélancolique attrait de la nature et des édifices abandonnés. On y chercherait vainement une ligne de statistique; mais on y rencontrera les images, les descriptions, les sentiments, qui flattent les intelligences éprises du bien et du beau. Des idées d’avenir se mêlent partout aux préoccupations de l’histoire, et soufflent, comme une brise printanière, dans les décombres du passé. Maints chapitres, d’ailleurs, contiennent de dramatiques récits, des traditions curieuses ou des biographies émouvantes. Je puis dire que j’ai fait cet ouvrage presque malgré moi. Parti pour l’Angleterre sans autre intention que de voir un pays dont j’aime beaucoup la littérature, dont je connaissais à fond la langue et un peu les annales, loin de vouloir raconter mon voyage dans une île si souvent explorée, j’avais la ferme intention de ne pas crayonner une note à ce sujet, ayant abhorré toute ma vie les lieux communs. Une fois arrivé, je fus surpris des choses nouvelles que je remarquais, des observations multipliées que me suggéraient les monuments, les hommes et les livres. J’en éprouvai une sorte d’exaltation, qui colora toute chose d’une douce et merveilleuse lumière. Revenu à Paris, la mémoire prolongea cette poétique émotion et m’inspira le désir de prendre la plume. Un article publié dans une revue ayant été accueilli avec une grande faveur, j’en rédigeai un second, puis un troisième, et insensiblement toute ma relation se trouva prête. [...] Il existe une foule d’excellents ouvrages qui décrivent les mœurs de l’Angleterre, son commerce, son industrie, sa marine, son active colonisation, qui donnent des renseignements sur sa politique. Pas une seule des pages suivantes ne traite de ces graves matières. OEUVRE d’archéologue, de poëte et d’amateur, elles ne quittent guère le monde charmant des rêves, des études historiques, et se préoccupent peu de la réalité»(1872/IX-X).