LES MILLE ET UNE NUITS DANS LES RÉCITS

LES MILLE ET UNE NUITS DANS LES RÉCITS DES VOYAGEURS ROMANTIQUES EN ORIENT[1]

La relation de voyage est un écrit ancré dans la "réalité", celle des pérégrinations qui se situent dans un espace et dans un temps bien déterminés. Il raconte un voyage, celui entrepris par des "aventuriers" qui se sont véritablement déplacés pour visiter des lieux plus ou moins célèbres. De par sa nature donc, le récit de voyage cherche à "refléter" ce que le voyageur voit, entend et à traduire "l’autre monde" pour ses destinataires. Parallèlement à cet aspect qui se veut réaliste, le récit des voyageurs romantiques laisse apparaître une dimension onirique très peu étudiée par les spécialistes du genre, ceux-ci s’intéressant particulièrement à la vie de voyage qui permet de générer des développements sur la religion, sur la société et sur la politique des pays visités. En effet, ce qui retient d’abord l’attention, dans ce genre de littérature, se rapporte à la vie des Orientaux, mais surtout à l’idéologie de l’écrivain-voyageur à leur propos. Cependant, en s’intéressant de près aux récits des romantiques, on se rend compte qu’ils offrent une place de choix à l’imaginaire, sous plusieurs formes.

L’influence littéraire et la dimension onirique dans les relations de voyage des auteurs que nous nous proposons d’étudier sont assurées par la présence de récits, qu’il s’agisse d’anecdotes[2] ou encore de contes, voire par la simple évocation des Mille et une Nuits, étant donné que, dès leur traduction par Antoine Galland (1707-1717), celles-ci n’ont cessé d’alimenter l’imaginaire occidental ; on peut même avancer – sans trop s’aventurer – qu’elles sont pour beaucoup dans la constitution de l’idéologie[3] orientale de l’Occident. Cette importance est d’ailleurs perceptible dans les récits de voyage, qui la manifestent de différentes manières et avec des degrés variables.

Le Voyage en Orient de Nerval est le récit qui laisse le maximum de place aux « fables » de toutes sortes. En plus des deux grandes qui le structurent, à savoir « l’histoire du calife Hakem » et celle « de la Reine du matin et de Soliman prince des génies »[4], se rencontrent plusieurs "histoires" qui ressemblent étrangement à celles des Nuits arabes[5]. Il ne faut point voir là une particularité nervalienne, même si celui‑ci leur accorde une place de choix dans sa relation, les Nuits apparaissant sous une forme ou sous une autre dans tous les récits, sans exception.

Les voyageurs réalisent, généralement, leur pérégrination un livre à la main[6]: la Bible, l’Ancien Testament, des ouvrages d’histoire[7] ou encore les relations des prédécesseurs. Les ouvrages en question sont censés leur servir de guides ou encore leur permettre de se rafraîchir mémoire sur des événements historiques qui sont arrivés là où le voyageur se trouve à un moment donné[8]. La présence de ces ouvrages est logique en raison de la longueur du voyage. Nous avons d’ailleurs constaté que la lecture constituait une occupation importante pendant le déplacement, étant donné la durée de certaines étapes, le manque ou l’absence d’occupations pendant les traversées – du désert, de la mer… – ainsi que les temps morts qui peuvent scander les pérégrinations : Lamartine précise, au début de sa relation, avoir voyagé avec toute une bibliothèque ; Du Camp, Nerval et Flaubert parlent des lectures effectuées pendant la période d’immobilisation forcée à cause du Khamsin, tandis que Chateaubriand précise voyager un livre à la main, chaque fois que l’occasion se présente ; seul, Gautier semble déroger à cette règle, peut-être en raison de la brièveté de son voyage, mais les références à différents ouvrages et surtout aux œuvres picturales sont légion dans Constantinople. De plus, la lecture permet à l’artiste de poursuivre son œuvre documentaire ébauchée bien des années auparavant ; elle donne essentiellement du crédit à ce qu’il raconte tout en lui permettant de s’inscrire dans la lignée des grands voyageurs. Cela dit, la présence d’un ouvrage en particulier semble problématique, voire "suspecte". Il s’agit des Mille et une Nuits. Contrairement aux premiers ouvrages, les voyageurs ne précisent pas lire ou plutôt relire celui-ci pendant le voyage ; seulement, il est omniprésent, que les voyageurs le citent expressément ou pas.

Ce qui surprend, sous la plume de ceux-ci, c’est que, bien qu’ils soient tous des hommes de lettres, ils citent les Mille et une Nuits, une œuvre de fiction, comme repère ou comme référent par rapport auquel ils se placent, considèrent une ville ou décrivent un monument... C’est confirmer, si besoin est, l’importance des Nuits dans la constitution des images sur l’Orient. Cela s’expliquerait par le fait qu’elles soient la seule clé que détiennent les voyageurs pour lire cet autre monde qui s’offre à leur entendement. Une phrase revient souvent sous leur plume : il est généralement dit que soit la chose vue rappelle les Mille et une Nuits, soit qu’elle s’en écarte, comme si c’étaient celles-ci qui fonctionnaient comme référent et non le contraire : dans la logique des voyageurs, ce ne sont ni les monuments cités dans les contes arabes ni les villes orientales, décrites dans les Mille et une Nuits, leur agencement, leur architecture qui rappellent les monuments et les villes réelles comme Bagdad et le Caire mais c’est plutôt le contraire. Ainsi en est-il de la description de quelques mosquées par Du Camp, qui les trouve « fort belles et élevées dans ce style arabe qui rappelle involontairement les Mille et Une Nuits »[9], mais c’est surtout le cas de Chateaubriand qui ne peut que surprendre, et qui spécifie que le Caire « est la seule ville qui [lui] ait donné l’idée d’une ville orientale, telle qu’on se la représente ordinairement : aussi figure‑t‑elle dans les Mille et Une Nuits »[10]. Pourtant, il n’explique pas pourquoi elle a mérité son titre. Par ailleurs, si, dans le passage de Chateaubriand, le Caire passait pour être la ville représentative de l’Orient, chez Nerval, le premier contact avec la cité est synonyme de déception incommensurable, et c’est toujours par rapport aux Nuits que l’écart est mesuré :

Le soir de mon arrivée au Caire, j’étais mortellement triste et découragé. En quelques heures de promenade sur un âne avec la compagnie d’un drogman, j’étais parvenu à me démontrer que j’allais passer là les six mois les plus ennuyeux de ma vie, et tout cependant était arrangé d’avance pour que je n’y pusse rester un jour de moins. Quoi ! C’est là, me disais‑je, la ville des Mille et Une Nuits, la capitale des califes fatimites [sic] et des soudans ?[11]

Le parallélisme positif avec les Nuits ne commencera à prendre forme qu’à partir du moment où le voyageur se laissera vivre "à l’orientale", et deviendra citoyen du Caire à part entière, ou presque. D’ailleurs, il le dira expressément, la ville, comme ses habitantes, « ne dévoile que peu à peu ses retraites… »[12]. Ce n’est que progressivement que les mystères de la ville, de ses habitants et des codes qui régissent leur vie lui seront accessibles.

Même Gautier, qui cherchait à donner une sorte de "voyage raisonné et pragmatique", ne déroge pas à la règle. Constantinople est parsemé de renvois aux Mille et une Nuits ; décrivant ses pérégrinations nocturnes pendant le Ramadan, il ne cache pas son émerveillement devant la splendeur de la ville ; le champ lexical de la lumière et de l’éclat est très fleuri dans le passage qui suit :

De la promenade du Petit-Champ, l’on jouissait du spectacle le plus merveilleux. De l’autre côté de la Corne d’Or, Constantinople étincelait comme la couronne d’escarboucles d’un empereur d’Orient ; les minarets des mosquées portaient à chacune de leurs galeries des bracelets de lampions, et d’une flèche à l’autre couraient, en lettres de feu, des versets du Koran [sic], inscrits sur l’azur comme les pages d’un livre divin ; Sainte‑Sophie, Sultan‑Achmet, Yeni‑Djani, la Suleimanieh et tous les temples d’Allah qui s’élèvent de Seraï‑Burnou aux collines d’Eyoub, resplendissaient de lumières et proclamaient en exclamations flammées la formule de l’Islam. Le croissant et la lune, qu’accompagnait une étoile, semblait broder le blason de l’Empire sur l’étendard céleste.

L’eau du golfe multipliait, en les brisant, les reflets de ces millions de phosphorescences et paraissait rouler des torrents de pierreries à demi fondues. La réalité, dit‑on, reste toujours au‑dessous du rêve ; mais ici le rêve était dépassé par la réalité. Les contes des Mille et Une Nuits n’offrent rien de plus féerique, et le ruissellement du trésor effondré d’Haroun al‑Raschid pâlirait à côté de cet écrin colossal flamboyant sur une lieue de longueur[13].

Et c’est là un rare rapprochement avec les Nuits où celles-ci ne triomphent pas[14], la supériorité étant accordée au réel sur l’imaginaire.

Par ailleurs, les Nuits se révèlent de plusieurs manières dans les récits de nos voyageurs. Elles peuvent aussi bien être nommément mentionnées comme dans les exemples ci‑dessus, que seulement suggérées par le contexte. Mais dans tous les cas, les images les rappelant sont assez nombreuses. La manifestation des Mille et une Nuits suit, en quelque sorte, un schéma qui se répète d’un récit à un autre. Et ce sont généralement les mêmes situations ou des situations qui s’en approchent qui les entraînent.

Nous trouvons d’abord la halte ou la vue d’une caravane qui se repose, à la fin d’une étape du voyage… Généralement à la tombée de la nuit, et autour des feux qu’allument les Bédouins, le temps est propice à ce qu’un autre univers s’installe, celui, magique, de la poésie ou des contes. Ce genre de décor, on le trouve planté dans tous les récits de voyage – même dans l’Itinéraire[15] que son auteur définit comme étant « les mémoires d’une année » de sa vie –, mais cela ne signifie pas que, systématiquement, le voyageur va rapporter l’histoire qu’il a entendu raconter. La seule mention d’histoire, dans ce cadre particulier, permet à l’imagination de voguer, dans la nuit calme et belle, à la recherche de souvenirs des personnages qui animaient les récits de Shéhérazade, où prodiges, fées, djinns et efrits… se côtoient. Certes, l’incompréhension de la langue se dresse comme un obstacle à la participation active à ces veillées, même si, rappelons‑le, nos voyageurs ne s’attardaient pas beaucoup sur la question, sûrement parce qu’ils étaient soucieux de l’image qu’ils allaient laisser chez leur lecteur ; cela dit, certaines expressions trahissent ce déficit langagier, comme dans le passage qui suit où Lamartine réussit à renverser la situation : s’il dit clairement son incompréhension de la langue, il retourne la situation à son avantage en introduisant un élément on ne peut plus important pour le poète et l’écrivain qu’il est : l’imagination, qui lui permet de combler ce manque :

Je m’asseyais non loin du cercle et j’écoutais aussi, bien que je ne comprisse pas : mais je comprenais le son de la voix, le jeu des physionomies, les frémissements des auditeurs ; je savais que c’était de la poésie, et je me figurais des récits touchants, dramatiques, merveilleux, que je me récitais à moi-même[16].

On voit bien là testé et surtout éprouvé – plus d’un siècle avant – un des grands principes des théories modernes de la communication, selon lequel plus de 70% d’un message passe à travers le non verbal.

D’autres, comme Flaubert, ne révèlent pratiquement jamais les histoires narrées pendant les veillées :

Les Arabes sont assis en rond autour de leur feu, ou dorment enveloppés de leurs couvertures, dans des fossés qu’ils creusent dans le sable avec leurs mains ; ils sont couchés là comme des cadavres dans leurs linceuls. Je m’endors dans ma pelisse, savourant toutes ces choses ; les Arabes chantent un canzone monotone, j’en entends un qui raconte une histoire : voilà la vie du désert[17].

Mais, malgré cela et bien qu’il n’en dise pas plus, le fait de préciser qu’il s’est endormi « en savourant toutes ces choses » laisse présager une suite onirique, permettant la mise en place d’un monde merveilleux ; ainsi, en suggérant cela et même en ne disant rien, cette conclusion ouverte laisse penser que le voyageur pourra rêver au monde extraordinaire du conte et, par la même occasion, le lecteur lui-même s’y voit convié, et ce sera, dans ce cas, le cerveau qui complètera ce qui n’a pas été expressément révélé, ainsi que l’affirment les théories contemporaines de la perception. Cela dit, c’est justement ce côté "merveilleux" que n’aime pas Lamartine dans Les Mille et une Nuits ; c’est pour cette raison qu’il leur préfère la poésie épique d’Antar[18], car –indique‑t‑il après avoir exprimé sa préférence pour la poésie – :

Antar est plus intéressant que les Mille et Une nuits, parce qu’il est moins merveilleux. Tout l’intérêt est puisé dans le cœur de l’homme et dans les aventures vraies ou vraisemblables du héros et de son amante[19].

Lamartine s’explique longuement et souvent, dans sa relation de voyage, sur sa préférence pour la poésie qui, au fond, n’a pas besoin de justification. Il regrette, de surcroît, qu’un orientaliste exercé ne traduise pas pour nous Antar tout entier ; cela vaudrait mieux qu’un voyage, car rien ne réfléchit autant les mœurs qu’un poëme [sic] ; cela rajeunirait aussi nos propres inspirations par les couleurs si neuves qu’Antar a puisées dans ses solitudes ; cela serait, de plus, amusant comme l’Arioste, touchant comme le Tasse[20].

Mais s’il dit préférer Antar et la poésie en général[21], cela ne signifie pas pour autant que les Mille et une Nuits soient totalement absentes de son récit, elles sont présentes mais de manière implicite, comme nous le verrons par la suite. Du reste, les anecdotes analysées ailleurs[22] n’ont rien à envier aux histoires racontées par Shéhérazade, qu’il s’agisse de celle de son cuisinier syrien ou encore de celle du berger libanais, où prodiges, merveilleux, voire miracles, se côtoient !

Le deuxième type de situations entraînant le discours sur les contes concerne les cafés orientaux. Ces "havres" de paix disséminés partout qui offrent repos, rafraichissements et divertissements variés au voyageur, après de longues promenades, ont pour caractéristique principale d’être aussi des lieux où se donnent des spectacles de chants et de danses, avec les almées et autres ghawazees et bien entendu le célèbre conteur. Gautier et Nerval leur accordent beaucoup d’importance dans leur relation, en tous cas plus que leurs confrères : le premier leur consacre un chapitre entier, le VIIIe de Constantinople, tandis que le second en parle à maintes occasions[23]. Et même constatation que pour les caravanes, le voyageur peut signaler la présence du conteur mais sans rapporter automatiquement le contenu de son récit.

Notons que si les références directes aux Nuits demeurent peu nombreuses dans certaines œuvres , les occurrences où elles ne sont que suggérées par le contexte sont très abondantes. On pourrait dire que le "fantôme" des Nuits plane en général sur les récits, car il constitue une sorte d’arrière‑plan invisible qu’actualisent les différents thèmes ou images traités par les voyageurs. En effet, les renvois aux récits de Shéhérazade se laissent percevoir à travers certaines anecdotes où il est question de trahison, d’adultère, de prodige, ou encore à travers un certain nombre de thèmes et d’images d’inspiration orientale dont regorgent les relations des romantiques et que laissent voir notamment les descriptions des maisons, des mosquées, des cimetières, de même que l’évocation de certains lieux très marqués culturellement comme le bazar ou le marché aux esclaves qui font penser automatiquement au Caire, à Damas ou à la Bagdad des personnages des Nuits ; en parlant d’eunuques noirs, de jalousie, de tyrannie, de harem, de favorites, de jeux de pouvoirs dans le harem, par association d’idées, certains poncifs rappelant l’univers fantastique des contes arabes s’actualisent dans les récits de nos voyageurs, sans exception.

D’autres thèmes révèlent, par ailleurs l’univers des Nuits. Il s’agit des scènes avec une entremetteuse que nous retrouvons chez Nerval, Flaubert et Du Camp. Chez le premier, elle sert de prélude à l’Orient, car la scène se passe en Grèce, à Syra, plus précisément. Mais on est déjà en Orient, vu que les îles hellènes faisaient partie de l’Empire ottoman et surtout que, dans ces îles, « toutes les femmes qui sortent sont voilées »[24], précise Nerval. C’est à Syra qu’il lui « est arrivé une aventure singulière, dans un de ces moulins à six ailes qui décorent si bizarrement les hauteurs de toutes les îles grecques »[25]. Mais avant de raconter cette « aventure », il plante le décor en reprenant, dans le paragraphe qui suit, la description du paysage :

Un moulin à vent à six ailes qui battent joyeusement l’air, comme les longues ailes membraneuses des cigales, cela gâte beaucoup moins la perspective que nos affreux moulins de Picardie ; pourtant cela ne fait qu’une figure médiocre auprès des ruines solennelles de l’antiquité […]. En descendant de Syra la vieille à Syra la nouvelle, bâtie au bord de la mer sur les ruines de l’antique Hermopolis, il a bien fallu me reposer à l’ombre de ces moulins dont le rez-de-chaussée est généralement un cabaret. Il y a des tables devant la porte, et l’on vous sert, dans des bouteilles empaillées, un petit vin rougeâtre qui sent le goudron et le cuir. Une vieille femme s’approche de la table où j’étais assis et me dit : κοχονιτζί ! χαλί ! …

Et après une longue réflexion sur le grec ancien et moderne (preuve qu’il n’a pas compris les paroles de cette femme), il conclut :

Après tout, me dis-je, cette femme reconnaît en moi un étranger, elle veut peut‑être me montrer quelque ruine, me faire voir quelque curiosité. Peut-être est‑elle chargée d’un galant message, car nous sommes dans le levant, pays d’aventures. Comme elle me faisait signe de la suivre, je la suivis[26].

Mais si Nerval précise quelques lignes plus loin qu’il ne va pas succomber à la tentation, il ne résistera pas, par contre, à l’envie de découvrir le visage de la jeune femme que lui proposait la vielle entremetteuse ; il va se contenter de lui mettre quelques pièces de monnaie dans la main et la laissera repartir.

Tel ne sera pas le cas de ses successeurs – Flaubert et Du Camp – qui tous les deux suivront la « femme au mouton »[27] qui était venue les chercher dès leur arrivée à Esneh, pour rencontrer sa maîtresse :

Bembeh. – Pendant que nous déjeunions, une almée, maigre et les tempes étroites, les yeux peints d’antimoine et ayant un voile passé par-dessus sa tête, et qu’elle tenait avec ses coudes, est venue causer avec Joseph ; elle était suivie d’un mouton familier, dont la laine était peinte par places en henné jaune, le nez muselé par une bande de velours noir, très touffu, les pieds comme ceux d’un mouton factice, et ne quittant pas sa maîtresse[28].

Comme on le voit, le personnage de l’entremetteuse est haut en couleur. Et comme ses semblables des Mille et une Nuits, Bembeh réussit là où a échoué la Macette de Nerval : les deux voyageurs vont assister à un spectacle assez particulier, avec chants, danses… dans la maison de Ruchiouk‑hânem[29] « qui donnait des soirées aux voyageurs qui la payaient grassement »[30]. Et ce qui surprend dans l’évocation de ce même passage chez les deux amis, c’est que chacun d’eux se présente comme étant le personnage central de la scène de la "danse de l’abeille", pour lequel celle-ci a été exécutée.

Chez Lamartine, la réminiscence des Nuits ne s’écarte pas de l’univers du poète. En effet, il nous offre un tableau pittoresque plein de ce charme et de cet enchantement spécifiques à l’Orient qui le font s’exclamer ainsi, devant la beauté de ses hôtes et spécialement les filles de Mme Malagamba[31] :

L’Orient tout entier était là, tel que je l’avais rêvé dans mes belles années, la pensée remplie des images enchantées de ses conteurs et de ses poètes. L’une des jeunes filles n’était qu’un enfant ; ce n’était que l’accompagnement gracieux de sa sœur, comme ces images qui en reflètent une autre. […] Les jeunes filles vinrent prendre aussi leur place à côté de leur mère, sur le divan, en face de nous. C’est ce tableau que je voudrais pouvoir rendre avec des paroles, pour le conserver sans ces notes comme je le vois dans ma pensée[32].

Telle une héroïne des Nuits, « Melle Malagamba a ce genre de beauté que l’on ne peut guère rencontrer que dans l’Orient […]. Son costume oriental ajoutait encore aux charmes de sa personne »[33], et la description de cette jeune fille s’étant étalée sur plusieurs pages, Lamartine s’est vu dans l’obligation d’expliquer ses sentiments :

quand la délicatesse des contours, la pureté virginale des lignes, l’élégance et la souplesse des formes, révèlent à l’œil cette voluptueuse sensibilité de l’être né pour aimer, et mêlent tellement l’âme et les sens qu’on ne sait, en regardant, si l’on éprouve à son aspect cette complète satisfaction des sens et du cœur, cette harmonie de jouissance qui n’est pas ce que nous appelons l’amour, mais qui est l’amour de l’intelligence, l’amour de l’artiste, l’amour du génie pour une œuvre parfaite[34].

Mais l’intérêt de cet épisode vient surtout du fait qu’il finisse en tableau digne des plus grands orientalistes, d’une part :

Ce devait être un beau tableau à faire pour un peintre, qu’il y en eût eu parmi nous, que cette scène de voyage. Nos costumes turcs, riches et pittoresques, nos armes de toute espèce, répandues sur le plancher autour de nous, nos lévriers couchés à nos pieds ; ces trois figures de femmes accroupies en face de nous sur un tapis d'Alep, leurs attitudes pleines de simplicité, d’étrangeté et d’abandon[35],

et d’autre part, des histoires extraordinaires des Mille et une Nuits, vu que les principaux ingrédients – déguisements, tentatives d’enlèvement… – y trouvent leur place :

La sœur aînée de Melle Malagamba, aussi belle que celle que nous avons tant admirée, avait inspiré, nous dit‑on, une telle passion à un jeune religieux du couvent de Kaïpha, qui avait eu l’occasion de la voir de la terrasse du couvent, qu’il s’était enfui sur un bâtiment anglais, avait embrassé la religion protestante afin de pouvoir la demander en mariage, et avait tenté tous les moyens de l’enlever sous divers déguisements. On le croyait encore, à cette époque, caché dans quelque ville de la côte de Syrie pour exécuter son projet[36].

Ainsi, à travers "l’histoire" des Malagamba, Lamartine esquisse un tableau représentatif de l’Orient où beauté, richesse, pauvreté, pouvoir, intrigue amoureuse trouvent facilement leur place. Mais ce n’est point là l’unique scène rappelant les Nuits. Une autre, en effet, se trouve au début de la partie sur Beyrouth. Il s’agit de la réception organisée par les Jorelle en l’honneur du poète et de sa suite. La scène se passe de nuit ; après « le festin de l’hospitalité » auquel il ne manquait apparemment que le vin, mais que la prodigalité du voyageur va combler[37], il a été question de récits sur les patries d’origine et d’accueil mais surtout « on parla de poésie » précise Lamartine : le "on", ici, renvoie à celui‑ci et à Mme Jorelle, cette « jeune et charmante femme née à Alep, [et qui] a conservé le riche et noble costume des femmes arabes »[38]. Comme certaines héroïnes des Nuits, Mme Jorelle entend la poésie mais elle est également capable de la traduire puisqu’elle leur a :

traduit elle-même quelques fragments de poésie d’Alep. Je lui dis – spécifie‑t‑il – que la nature était toujours plus complètement poétique que les poëtes [sic], et qu’elle-même, en ce moment et à cette heure, dans ce beau site, à ce clair de lune, dans ce costume étranger, avec cette pipe orientale à la main et ce poignard à manche de diamant à sa ceinture, était un plus beau sujet de poésie que tous ceux que nous avions parcourus par la seule pensée[39].

Certes, Lamartine n’évoque pas directement les Mille et une Nuits, mais en décrivant ses hôtesses, aussi bien les demoiselles Malagamba et leur mère que Mme Jorelle[40], on ne peut s’empêcher de penser aux héroïnes des Nuits, que caractérisent leur beauté et leurs connaissances. Bien entendu, l’univers du poète est empreint de chasteté et de pureté, car n’oublions pas que sa famille était du voyage, ce qui expliquerait l’absence de toute allusion impudique ; il place tout à un niveau intellectuel, comme quand il a défini son « amour pour la jeune Malagamba » : « l’amour de l’intelligence, l’amour de l’artiste, l’amour du génie pour une œuvre parfaite » et si, dans le passage avec les Malagamba, il n’en parle point, dans le second, il rapporte les jeux de sa fille Julia qui semblait égayer la soirée par ses rires et sa curiosité pour les coiffes et costumes orientaux.

L’univers de Gautier dans Constantinople a aussi cette même caractéristique, à savoir la chasteté, en raison peut‑être du fait qu’il était accompagné, lui aussi, comme Lamartine, de sa compagne et de leur fille[41]. On est loin de celui empreint d’érotisme de Flaubert, par exemple, ou encore de celui, allusif, de Nerval. Sa principale particularité, c’est sa dualité. D’une part, le récit de Gautier se veut réaliste, pratique et pragmatique. Le romanesque n’y a pas de place, ainsi qu’il l’affirme lui-même :

Quoi qu’il en coûte à mon amour‑propre, j’avouerai humblement que je n’ai pas la moindre indiscrétion de ce genre à commettre, et je serai forcé, à mon grand regret, de priver ma relation du récit de toute aventure amoureuse et romanesque[42].

Le voyageur assume donc l’absence d’aventures personnelles dans sa relation, quitte à la rendre moins attrayante que celle de ses confrères. Cela dit, il n’en est rien : après cette annonce, il ajoute :

Rien n’orne mieux un voyage en Orient qu’une vieille qui, au détour d’une ruelle déserte, vous fait signe de marcher derrière elle et vous introduit par une porte secrète dans un appartement près de toutes les recherches de luxe asiatique, où vous attend, assise sur des carreaux de brocart, une sultane ruisselante d’or et de pierreries, dont le sourire vous fait des promesses voluptueuses bientôt réalisées. Ordinairement l’intrigue se dénoue par l’arrivée soudaine du maître, qui vous laisse à peine le temps de fuir par une issue dérobée, à moins que la chose ne se termine plus tragiquement par une lutte à main armée et la chute au fond du Bosphore, d’un sac où s’agite vaguement une forme humaine[43], transportant le lecteur dans l’univers des Nuits. Ici, la prétérition qui apparaît dans la première citation ne fait qu’attirer encore plus l’attention sur le récit qui suit, surtout qu’il ne fait pas qu’évoquer cette "histoire type" des contes arabes, qu’on pourrait rapprocher de celle qu’on considère comme "l’histoire cadre" des Nuits, à savoir celle de la trahison dont a été victime Shahryar et qui est à l’origine même de sa soif de vengeance à l’encontre de la gent féminine, qui prendra fin avec les contes de Shéhérazade. Comme celle‑ci, Gautier raconte une histoire – voire plusieurs dans Constantinople – qu’il n’a bien sûr pas vécue(es), mais cela ne la rend pas moins intéressante que si elle l’avait été, justement parce qu’elle permet de plonger le lecteur dans la sphère du merveilleux.

D’autre part, bien que le récit de Gautier revendique ce côté "prosaïque du guide de voyage", il n’en demeure pas moins que ses descriptions des villes, palais, remparts et bazars orientaux sont les plus flamboyantes parmi celles de ses prédécesseurs. Il est, en effet, le seul à trouver, par exemple, la réalité plus belle que l’imaginaire. On se souvient de sa description de la ville, le soir même où il y était arrivé, quand il affirmait que :

Les contes des Mille et Une Nuits n’offr[ai]ent rien de plus féerique, et le ruissellement du trésor effondré d’Haroun al‑Raschid pâlirait à côté de cet écrin colossal flamboyant sur une lieue de longueur[44].

Ou encore de l’épisode où il attribue 1600 concubines au sultan[45] et parle de palais mystérieux, de beautés de différentes races qui y vivent ou encore de paquets qu’on jette par-dessus les murs du palais dans le Bosphore, ce qui présuppose quelque trahison ou infidélité punie de la sorte. Mais là où on note une sorte de concentration des éléments rappelant les Mille et une Nuits, c’est dans les détails qu’il a donnés sur les bazars, ou encore quand il a explicité la légende du nom de la tour Kiss‑Koulessi, ou tour de la Vierge :

Le sultan Mohammed possédait une fille d’une beauté rare, à qui une bohémienne avait prédit qu’elle mourrait de la piqûre d’un serpent. Son père alarmé, pour déjouer cette prédiction sinistre, lui avait fait bâtir un kiosque sur cet îlot de rescifs ou [sic] ne pouvait se glisser nul reptile ; le fils du schah de Perse ayant entendu parler de la merveilleuse beauté de Mehar-Schegid (c’était le nom de la jeune fille) en devint passionnément amoureux et parvint à faire arriver jusqu’à elle un de ces bouquets symboliques dans lesquels l’Orient sait écrire ses aveux en lettres de fleurs. Malheureusement, parmi les touffes d’hyacinthes et de roses s’était tapi un aspic qui mordit la princesse au doigt. Elle allait mourir, faute de trouver personne assez dévouée pour sucer la plaie ; mais le jeune prince, cause de tout le mal, se présenta, pompa le venin de ses lèvres passionnément courageuses, et sauva Mehar‑Schegid, que Mohammed lui donna pour femme[46].

Cette légende, malgré toutes les incohérences qu’elle comporte, éloigne le voyageur et son fidèle accompagnateur de la linéarité du récit de voyage et les transporte dans la féerie des légendes et des contes où les princes tombent amoureux des princesses dont ils ont uniquement entendu parler, où les sorts les plus tragiques sont déjoués par des effets de deus ex machina.

Parallèlement à cet univers féerique, on en trouve un autre qui lui est opposé et qui se caractérise par des images de destruction, de ruine, voire de "fin du monde"[47]. L’Orient, en effet, a une double face : à la fois son côté lumineux charme et séduit ; mais il en possède une autre qui intrigue, que les voyageurs relèvent sans en paraître aucunement troublés, comme si cela allait de soi. Ainsi, les images de monuments poussiéreux succèdent à celles de palais majestueux et féeriques. À la beauté et à la magnificence succèdent la saleté et la crasse.

Il en est ainsi, par exemple, de l’architecture des mosquées ; celles-ci avaient beaucoup intéressé et charmé les voyageurs qui saluaient leur beauté, l’originalité de leur construction et de leur style tout oriental ; mais généralement aussi, ils finissaient leur description par l’annonce de leur disparition prochaine. Car ces mosquées, selon Chateaubriand, Lamartine et Nerval tombent pour la plupart en ruine, alors que pour Flaubert, certaines sont présentées comme un cimetière pour les oiseaux[48]. Certes, sur le plan symbolique, on pourrait y voir le présage de la disparition de l’islam, un vœu clairement exprimé et souhaité par Chateaubriand mais qui s’expliquerait difficilement pour les autres voyageurs[49], s’il n’est pas rattaché aux thèmes chers aux romantiques qui avaient une propension particulière pour la « mort et le morbide ».

Ce qui est intéressant à relever, ce sont les généralisations et l’emploi du pluriel qui donnent une sorte d’amplification à ce qui est peint. Nerval, parlant des rues du Caire, les décrit comme étant un labyrinthe dont les quartiers tombent en ruine[50]. Ailleurs dans son texte, il parle de l’Égypte en tant que « vaste tombeau »[51], ce qui contraste avec l’image tout en lumière qu’il en donne par ailleurs. Dans ses descriptions de la ville de Constantinople, Gautier, ainsi que nous l’avons soulevé plus haut, dit que la réalité dépasse de loin l’imaginaire et les Mille et une Nuits, mais parallèlement à cela, il signale la présence de cimetières partout[52]; de plus, la ville vit sous la menace quotidienne d’incendies[53], même si l’un d’eux, vu de nuit[54], est présenté comme un « spectacle désastreusement magnifique »[55]; d’ailleurs, toute la scène est rapportée sous le signe artistique : le spectateur avec son accompagnateur anonyme admirent la scène depuis une tour qui faisait face au magasin en feu ; la description utilise des termes très forts pour décrire une scène tragique qui semble avoir des effets thérapeutiques pour le spectateur qui en jouit, sans éprouver la moindre culpabilité :

[…] spectacle désastreusement magnifique, qui nous faisait comprendre et presque excuser, par sa beauté, Néron regardant brûler Rome de sa tour du Palatin. C’était un flamboiement splendide, un feu d’artifice à la centième puissance, avec des effets que la pyrotechnique ne saura jamais atteindre, et, comme nous n’avions pas le remords de l’avoir allumé, nous pouvions en jouir en artiste, tout en déplorant un tel malheur[56].

Par ailleurs, cette dichotomie qu’on rencontre dans la perception de l’Orient (faste d’un côté et ruine de l’autre, richesse vs pauvreté…) est inspirée des Mille et une Nuits elles-mêmes, où les animaux se transforment en princes ou princesses, ou inversement ; où des manants se métamorphosent en seigneurs comme par enchantement, où des châteaux poussent là où la veille il n’y avait que ruines... Il est intéressant de constater cette dualité de l’image dans les récits de voyage où l’enchantement laisse la place à la mélancolie (autre thème cher aux romantiques), au regret de voir et de constater la fin de ce monde merveilleux.

Cette dualité ne surprend pas ; nous l’avons rencontrée à de multiples endroits des récits de nos voyageurs. Par moments, nous l’avons imputée à la longueur des récits, à l’oubli, mais son importance apparaît moindre si on se rend compte qu’elle est inhérente (ou on cherche à nous en convaincre) à cet "Autre monde". D’ailleurs qui oserait mettre en doute la sincérité de celui qui a vu de ses propres yeux ! Par ailleurs, une autre hypothèse paraît plus plausible : notre attention doit être attirée par autre véritable "objet" du voyage : le voyageur !

La présence, en effet, de cette dimension onirique que permettent les différentes références littéraires et poétiques et principalement celles assurées par les Mille et une Nuits jouent certes d’abord le rôle de récréation dans les récits de voyage. Les auteurs le disent eux‑mêmes quand ils évoquent l’inintérêt de la description de tel ou tel endroit, ou encore quand ils prévoient que tel développement sur l’histoire ou la géographie risque de lasser leur lecteur. Les anecdotes, les contes, les récits inspirés des Mille et une Nuits sont là pour reposer le lecteur et surtout pour laisser place à l’imaginaire, que les/leurs héros soient les Autres ou le voyageur lui-même. Leur principale fonction nous semble être d’introduire du romanesque dans le récit de voyage et surtout de permettre d’installer le voyageur dans le rôle de héros de son récit et d’en faire donc le véritable objet du voyage et non l’Orient qui ne sert plus que de décor et de faire‑valoir.

Notes de pied de page

  1. ^ Il s’agit des récits des voyageurs suivants : Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Paris, Flammarion GF, 1968 ; Lamartine, Voyage en Orient, Paris, Furne, Jouvet & Cie, Hachette & Cie, Pagnerre éditeurs, 1869 ; Nerval, Voyage en Orient, Paris, Flammarion GF, 1980 ; Flaubert, Voyage en Orient, in Œuvres complètes, Paris, Seuil Intégrale, 1964 ; Gautier, Constantinople, Paris, Michel Lévy frères, 1856 ; Du Camp, Le Nil, l’Égypte et la Nubie, Paris, Michel Lévy frères, sd.
  2. ^ L’anecdotique dans les récits de voyage a fait l’objet d’un chapitre de ma thèse L’Orient des voyageurs français du XIXe siècle, soutenue à la faculté des Lettres et des Sciences Humaines Dhar El Mehraz, Fès, en 2012, p. 203-218, et consultable à la bibliothèque de la même faculté.
  3. ^ Au sens philosophique du terme.
  4. ^ Nerval, op. cit., t. 2, p. 65-106 et 223-342.
  5. ^ Pour reprendre la traduction anglaise : Arabian Nights.
  6. ^ Sauf dans le cas de Gautier qui voyagerait une toile à la main, selon Colette Julliard : L'écriture du désir, Imaginaire et Orient, Paris, l’Harmattan, 1996. D’ailleurs, nous avons remarqué que ses descriptions étaient pittoresques et donnaient à voir ce qui est décrit, tel un tableau orientaliste. Flaubert, par ailleurs, semble déroger à cette règle : dans sa relation, on ne note point de références à des ouvrages lus pendant le périple. Mais on ne note point également de renvois directs, en tous cas, aux Mille et une Nuits, comme chez ses confrères.
  7. ^ Lamartine, op. cit., dit se promener un livre d’histoire à la main pour mieux reconnaître les lieux visités, p. 362.
  8. ^ Il arrive aussi que le voyageur – c’est le cas principalement de Chateaubriand – relise des œuvres spécifiques : l’Odyssée, l’Énéide, la Jérusalem délivrée, parce qu’il est en train de fouler le lieu où sont censées s’être déroulées leurs actions.
  9. ^ Du Camp, op. cit., p. 33.
  10. ^ Chateaubriand, op. cit., p. 385.
  11. ^ Nerval, op. cit., p. 151.
  12. ^ Id.
  13. ^ Gautier, op. cit., p. 91-92.
  14. ^ Comme dans le rapprochement de Nerval. Mais si, dans ce passage, le paysage décrit dépasse le rêve et l’imagination livresque, dans d’autres, il n’est question que de désolation et de laideur.
  15. ^ Chateaubriand, dans un passage singulier, va se laisser entraîner dans une sorte de rêverie éveillée. Après avoir décrit une caravane au repos avec ses conteurs, chanteurs, esclaves, il conclut en pointe : « le sol était jonché de ballots, de sacs de coton, de couffes de riz. Tous ces objets, tantôt distincts et vivement éclairés, tantôt confus et plongés dans une demi-ombre, selon la couleur et le mouvement des feux, offraient une véritable scène des Mille et Une Nuits », op. cit., p. 190.
  16. ^ Lamartine, op. cit., p. 407.
  17. ^ Flaubert, op. cit., p. 563.
  18. ^ Cela semble quelque peu contradictoire : la poésie épique elle-même est empreinte de merveilleux, même si elle part de faits et de personnages réels, mais qui sont au bout du compte magnifiés et auréolés.
  19. ^ Lamartine, op. cit., p. 409-410.
  20. ^ Id., p. 409.
  21. ^ Ce qui est tout à fait compréhensible et ne nécessite pas de justification, le voyageur étant poète lui-même.
  22. ^ Voir n. 1.
  23. ^ Gautier, op. cit., p. 100-109 ; Nerval, op. cit., t. 1, p. 166-167, 170, 199 et t. 2, presque chaque page de la partie sur Istanbul.
  24. ^ Nerval, op. cit., p. 144.
  25. ^ Id., p. 142.
  26. ^ Id., p. 142-143. C’est nous qui soulignons.
  27. ^ Relevons la singularité de ce personnage qui donne l’impression de sortir tout droit d’un des contes de Shéhérazade !
  28. ^ Flaubert, op. cit., p. 573, Du Camp, op. cit., p. 115.
  29. ^ Koutchuk hanem chez Du Camp, op. cit., p. 113 et suiv.
  30. ^ Id.
  31. ^ Mère du « jeune Piémontais, qui faisait les fonctions de vice-consul à Kaïpha » et qui a reçu notre poète et sa suite, dans son humble demeure, Lamartine, op. cit., p. 279. Qu’on nous excuse l’introduction de ce tableau, malgré sa longueur.
  32. ^ Id., p. 281-282.
  33. ^ Id.
  34. ^ Id.
  35. ^ Id., p. 283-284
  36. ^ Id., p. 284-285.
  37. ^ Lamartine précise : « je fis défoncer une caisse de vins de France », op. cit., p. 133.
  38. ^ Id.
  39. ^ Id., p. 134.
  40. ^ Ainsi que d’autres femmes et esclaves qu’il ne décrit pas.
  41. ^ Denise Brahimi trouve que la présence de son amie Ernesta et de sa fille Estelle n’est pas la seule raison. Derrière cette retenue, il y aurait une prudence idéologique ; tout ce qu’elle en dit, c’est que « cette situation […] lui inspire des réflexions trop personnelles pour qu’il les expose d’emblée facilement », Théophile et Judith vont en Orient, Paris, La Boîte à Documents, 1990, p. 54.
  42. ^ Gautier, op. cit., p. 195.
  43. ^ Id., p. 195-196.
  44. ^ Id., p. 91-92.
  45. ^ Id., p. 185.
  46. ^ Id., p. 213-214.
  47. ^ L’expression peut sembler exagérée mais il n’en est rien, le monde qui paraît sur le déclin est le monde oriental et musulman, bien entendu.
  48. ^ Flaubert, op. cit., p. 562.
  49. ^ Vu qu’ils ne cachaient pas leur sympathie pour cette religion.
  50. ^ Nerval, op. cit., p. 146
  51. ^ En rapport avec l’histoire pharaonique de l’Égypte
  52. ^ On a l’impression qu’à chaque pas, il tombe sur un nouveau cimetière, même s’il explique que le rapport des musulmans à la mort est différent de celui des Occidentaux, et même si D. Brahimi précise qu’« il n’en éprouve pas la moindre gêne, ni tristesse ni effroi ». N’empêche qu’un sentiment d’inquiétude s’en ressent.
  53. ^ Auxquels il consacre, ainsi qu’au navire de guerre français le Charlemagne, tout le XXIe chapitre de Constantinople, p. 245-266.
  54. ^ Voyons comment Gautier introduit cet incendie : « j’avais vu l’incendie de jour ; il ne me manquait plus que l’incendie de nuit. Ce spectacle ne se fit pas attendre », Constantinople, p. 263.
  55. ^ Id., p. 264. Remarquons la force ici de l’oxymore !
  56. ^ Id., p. 264-265. On ne peut s’empêcher de constater la fausseté de la dernière phrase qui jure avec le reste !

Référence électronique

Asmaa EL MEKNASSI, « LES MILLE ET UNE NUITS DANS LES RÉCITS », Astrolabe - ISSN 2102-538X [En ligne], Novembre / Décembre 2014, mis en ligne le 13/08/2018, URL : https://www.crlv.org/articles/mille-nuits-dans-recits