LES AVENTURES ÉQUESTRES DE DEUX GARÇONS DANS LE FAR WEST AMÉRICAIN À l’AUBE DU XXe SIÈCLE

LES AVENTURES ÉQUESTRES DE DEUX GARÇONS DANS LE FAR WEST AMÉRICAIN À l’AUBE DU XXe SIÈCLE
Bud et Temple Abernathy : Les Galopins magnifiques

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Âgés seulement de neuf ans et cinq ans, ils ont parcouru de kilomètres à cheval à travers les États-Unis : ce sont les plus jeunes cavaliers au long cours de l’histoire.

Voici l’annotation curieuse en marge de la couverture de cet ouvrage singulier. Voici aussi l’incroyable histoire mais vraie de deux enfants, de 9 et 5 ans, qui ont parcouru seuls, et à cheval, les États-Unis d’Amérique d’est en ouest. Les deux frères, Bud (l’aîné) et Temple (le benjamin), réalisent un premier périple équestre, au cours des vacances scolaires de 1909, de leur Oklahoma natal au Nouveau Mexique et retour : environ 1.500 kilomètres. Plus tenaces que jamais, l’année suivante, les deux cavaliers doublent la mise : ils couvrent 3.000 kilomètres en gagnant, cette fois, New York, où ils sont accueillis par un ami de leur père, le président lui-même Teddy (Théodore) Roosevelt. En 1911, ils battent tout record, en défiant tous les enjeux : toujours seuls, et toujours à cheval, les deux plus jeunes voyageurs qu’il n’y a jamais eu dans tous les États-Unis relisent la côte est à la côte ouest des États-Unis – soit 6.000 kilomètres – en seulement soixante-deux jours.

Ces extraordinaires aventures des frères Abernathy étaient totalement inconnues en France jusqu’à que Basha et CuChullaine O’Reilly, aient découvert un exemplaire de l’édition originale du livre de Miles Abernathy, épuisé bien sûr et introuvable. Près de cent ans alors plus tard voici en traduction pour le public français de cette histoire extraordinaire qui fut rééditée également en anglais par la Guilde des Long Riders fondée par le couple O’Reilly.

Dans un souci de consigner les souvenirs de deux jeunes frères, un oncle, ou un cousin des enfants, en tout cas un membre de la famille,  a retranscrit le plus fidèlement possible, et mot à mot, les récits spontanés de deux enfants.

On est en 1909, dans l’Oklahoma. La création de ce quarante-sixième état du pays, fruit de l’annexion des territoires indiens, n’a que deux ans et ses habitants ne sont pas encore aux prises avec les automobiles et autres nouveautés de transport. Les temps modernes n’ont pas encore envahi l’ouest du pays ni modifié la façon de vivre des descendants pionniers. Il en était ainsi dans la famille Abernathy, souligne Bernardine Cheviron (11). La mère des garçons mourut prématurément en 1907 et Jack, le père, se retrouva seul pour élever ses six enfants : quatre filles et les deux petits aventuriers, Louis (surnommé Bud) et Temple. Chasseur de loups à mains nues au début, lié d’amitié avec le président Roosevelt qui l’accompagna un jour, désireux de voir cette technique de chasse, Jack fut nommé par la suite marshal, mit aux trousses des brigands. Lors de ses absences, il confiait ses enfants à leur grand-père et à une de ses sœurs. À son retour, il racontait des milliers d’histoires capables de titiller la fibre aventurière qui sommeillait chez ses deux fils qui se voulaient les dignes héritiers de leur père. Ils ont voulu eux aussi voir toutes ces villes et ces beaux paysages de leurs propres yeux. Il ne fallut pas longtemps avant de mettre sur pied leur premier voyage à cheval : « une boucle de plus de 1.500 kilomètres de Frederick, dans l’Oklahoma, jusqu’à Santa Fe, au Nouveau Mexique, et retour » (12). Ce fut lors de grandes vacances de l’année 1909.

Un an plus tard, ils partirent à des nouvelles aventures. Ils quittèrent l’Oklahoma à cheval en avril 1910 pour rallier New York, à quelque 3.000 kilomètres, dans le seul but d’accueillir Roosevelt à son retour d’une expédition de chasse en Afrique. En effet, avant de réintégrer le monde politique en vue des élections de 1912, le très populaire Théodore Roosevelt fut accueilli en grande pompe à la descente du bateau qui le ramena en Amérique après un long voyage en Afrique. Ses partisans avaient organisé une immense parade qui traversait tout New York et c’est à sa tête, et à cheval, que voulaient être les deux petits aventuriers Bud et Temple.

Contrairement à leur premier voyage, « la chevauchée vers New York fut minutieusement orchestrée par leur père qui avait vu dans l’expédition de ses fils un bon moyen de faire campagne pour son ami Roosevelt » (13). Si les journaux avaient modestement relaté leur première aventure, la deuxième fut très médiatisée. Mesurant l’impact, Jack organisa soigneusement l’itinéraire de deux petits cavaliers et leurs rencontres avec les personnalités locales tout au long de la route. 

Les enfants Abernathy devinrent des vedettes, admirés par les hommes, adulés par les femmes. Ils se plièrent aux exigences de la presse, des interviews, des photos et d’autres mondanités, sans jamais perdre de leur spontanéité et de leur simplicité. Aventure pour aventure et anecdote contre anecdote, les enfants ont gagné leur pari : serrer à New York la main de l’ancien président de la nation. Puis, « ils remontèrent [à cheval] Broadway, tournèrent dans la 5e avenue et s’arrêtèrent à la 59e rue où Théodore Roosevelt partit pour sa résidence à Oyster Bay, sur Long Island » (146).

Les enfants séjournèrent à New York une bonne partie de l’été, mais commencèrent vite à se languir de la quiétude du ranch familial et des grands espaces. Faute de temps jusqu’à la rentrée des classes, le retour ne pouvait pas se faire à cheval. Les chevaux furent rapatriés en train, et les deux garçons qui ne voulaient pas s’entasser dans la chaleur estivale des trains où ils ne pourraient pas admirer du reste le paysage, ils sont rentrés au volant d’une petite voiture qu’ils ont achetée et conduit eux-mêmes, une voiture en bois qui dépassait à peine les 40 km/h, et dont le constructeur se réjouissait de voir son modèle associé à ces jeunes conducteurs célèbres.

L’aventure sera racontée avec tous les détails méritants par Robert B. Jackson dans le livre The remarkable ride of the Abernathy boys (éd. Levite of Apache, 1988). Ici finit l’extraordinaire exploit de deux jeunes cavaliers qui ont traversé à l’aube du XXe siècle la moitié d’un continent. Ici finit l’histoire des « galopins magnifiques » traduite par Bernardine Cheviron.

Sous les feux de la rampe, les deux petits cavaliers ont accompli désormais d’autres exploits. « Nous avons trouvé la suite des exploits des enfants dans Bud & Me, l’ouvrage rédigé bien des années plus tard par l’épouse de Temple, Alta Abernathy (Dove Creek Press, 1988) », raconte B. Cheviron (157). Des péripéties nombreuses ont suivi leur retour en voiture dans l’Oklahoma. Par l’entremise d’impresarii new yorkais, les désormais célèbres frères Abernathy ont été amenés à relever des défis en tous genres. Nouveau défi lié à une nouvelle prouesse équestre, fut celle de la chevauchée de Coney Island à San Fransisco, en 1911 : l’Amérique d’est en ouest, plus de 6.000 kilomètres. Les instigateurs du projet avaient proposé dix mille dollars aux garçons s’ils parvenaient à rallier la côte est et la côte ouest des États-Unis en soixante jours, sans compter les dimanches (de repos) ni les impondérables météorologiques , toute nuit devant être passée à la belle étoile.

Les enfants prirent donc le départ sur une plage de Coney Island avec l’intention de verser, dans les délais imposés, l’eau de la gourde remplie dans l’Atlantique sur la plage du Pacifique. « Ils perdirent leur pari à deux jours près, mais la ténacité, le courage et la volonté de ces deux enfants, en dépit de l’exploitation éhontée qui fut faite de leurs prouesses équestres, firent d’eux – et ils le sont encore aujourd’hui – les plus jeunes voyageurs à cheval de l’histoire » (158). Voici une extraordinaire leçon de courage, de ténacité et de simplicité de deux jeunes frères à l’aube du XXe siècle qui ont su tenir loin de projecteurs la tête froide et l’esprit modeste. Devenus adultes, Bud exerça la profession d’avocat et temple travailla dans l’industrie pétrolière, et fondèrent chacun une famille.

La traduction de Bernardine Cheviron se veut un ouvrage de poésie et de  morale.  Elle restitue fidèlement le récit qu’avait transcrite à l’époque Miles Abernathy ; elle rétablit le témoignage historique, et place incontestablement les deux bambins dans l’histoire du voyage. Une histoire fabuleuse de deux galopins hors normes à couper le souffle.

Efstratia Oktapoda

Référence électronique

Efstratia OKTAPODA, « LES AVENTURES ÉQUESTRES DE DEUX GARÇONS DANS LE FAR WEST AMÉRICAIN À l’AUBE DU XXe SIÈCLE », Astrolabe - ISSN 2102-538X [En ligne], Janvier / Février 2009, mis en ligne le 04/08/2018, URL : https://www.crlv.org/articles/aventures-equestres-deux-garcons-dans-far-west-americain-a-laube-xxe-siecle