REGARDS CROISÉS

REGARDS CROISÉS
Quatre Suisses en route vers l’Afghanistan

 

image001.jpgimage003.jpgimage004_15.jpgimage006_12.jpgimage008_8.jpg

 

La volonté qui sait, la mémoire, la pensée,
Un enfer, et la vie elle-même un piège,
Ce sont les hommes les plus sobres qui portent
Le blâme des drogues et de l’ivresse
Pour se libérer de la conscience de soi.
(Mevlana)

L’Afghanistan est un pays montagneux, sans accès à la mer, situé à la croisée des chemins de l’Asie. La Suisse est également un pays montagneux, sans accès à la mer, situé à la croisée des chemins de l’Europe. Est-ce cette similitude qui a motivé quatre voyageurs suisses à entreprendre un voyage en voiture jusqu’à la capitale afghane, à des époques où les voyages en voiture vers cette partie du monde étaient pour le moins rares ?

Ella Maillart et Annemarie Schwarzenbach décident de rejoindre l’Afghanistan en voiture en 1939, quelques mois avant le début de la guerre. Nicolas Bouvier et Thierry Vernet reprendront la même route au volant de leur Fiat Topolino en 1953. Le décor n’aura pas beaucoup changé malgré les quatorze années écoulées. La façon des voyageurs d’appréhender le paysage non plus.

La pionnière du groupe est Ella Maillart (1903-1997). Ella, surnommée Kini par ses amis, est née dans une riche famille de Genève. Sa mère était danoise et son père négociant en fourrure. Dès son jeune âge, elle rêvait, non pas des manteaux de fourrure de son père, mais des lieux d’où provenaient ces fourrures : Vladivostok, Nijni Novgorod, Volga …, destinations exotiques qui l’invitaient au voyage[1]. Elle conquiert d’abord le lac Léman, puis cet autre lac qu’est la Méditerranée. Elle est le capitaine du voilier la Bonita qu’elle va mener aux îles grecques, avec trois jeunes filles de son âge. Après ce brillant début, elle se lance à l’aventure. Elle fait son premier voyage à Moscou et dans le Caucase, puis elle part pour le Turkestan, l’Ouzbékistan, Tachkent, Samarkand et Kyzylkoum. Après ce périple qui dure six mois, elle retourne à Genève avec la seule idée de repartir. Elle réalisera son troisième voyage avec le journaliste anglais Peter Fleming[2]. Ensemble, ils iront de Pékin au Cachemire en traversant le Pamir. En lisant Oasis interdites[3], le récit de cette traversée, Nicolas Bouvier dira : « Je tiens pour un chef d’œuvre ce livre dont les protagonistes sont l’espace, le silence et une forme de bonheur dont on ne guérit jamais »[4].

Ella Maillart fait la connaissance d’Annemarie Schwarzenbach (1908-1942) en automne 1938. Annemarie est zurichoise. Elle appartient à une très riche famille bourgeoise. « L’ange déchu » aurait voulu être archéologue, mais elle est devenue journaliste et photographe[5]. Elle aussi a beaucoup voyagé. Elle s’est mariée à Téhéran avec un diplomate français. Sa sensibilité exacerbée est sans doute la raison de son recours à la drogue pour surmonter le mal de vivre qui la hante depuis son jeune âge. Annemarie Schwarzenbach passe la fin de l’année 1938 et le début de l’année 1939 à la clinique Bellevue d’Yverdon où elle suit une cure de désintoxication, tout en travaillant au manuscrit de La Mort en Perse[6].

C’est dans la maison d’Annemarie Schwarzenbach en Engadine que les deux femmes décident d’entreprendre un voyage en Afghanistan. Quand Annemarie mentionne la nouvelle Ford que son père va lui offrir, Ella s’écrie : « Une Ford ! C’est la voiture qu’il faut pour suivre la nouvelle route de l’Hazarejat en Afghanistan. En Iran aussi il faut avoir une voiture à soi»[7].

Les préparatifs du voyage se font très vite et, en juin 1939, les deux femmes sont en route pour l’Afghanistan. Leur but est d’atteindre Kaboul où Annemarie va retrouver ses amis archéologues, les Hackin, qui font des fouilles dans la région et Ella pense poursuivre un peu plus vers l’est, dans la région du Kâfiristân/Nuristan où elle veut faire des recherches ethnologiques.

***

Quelques années après, en 1952, un Genevois frisé vient rendre visite à Ella Maillart dans son chalet de Chandolin, au flanc du Cervin. Il vient demander quelques avis sur la route des Indes. « Il est timide et bouillonnant, fasciné par cette arpenteuse des longitudes déjà mythique qui se rend en Mandchourie comme on va au marché acheter des légumes »[8]. Ce garçon s’appelle Nicolas Bouvier (1929-1998) et la réponse d’Ella Maillart restera gravée à jamais dans sa mémoire : « Partout où des hommes vivent, un voyageur peut vivre aussi »[9]. Nicolas Bouvier et son ami peintre Thierry Vernet (1927-1993) ont décidé, eux aussi, de partir pour l’Afghanistan dans leur Fiat Topolino. Leur projet est de rejoindre Kaboul et de continuer sur l’Inde. Ella Maillart et Annemarie Schwarzenbach avaient compté sur leur talent de journalistes pour financer leur voyage ; toutefois, elles disposaient d’une certaine somme d’argent pour les repas et l’hôtel. Nicolas Bouvier et Thierry Vernet partent sans argent, avec l’idée d’écrire (Bouvier) et de peindre (Vernet) chemin faisant, pour gagner de quoi vivre. Ils sont jeunes, ils sont au début de leur carrière et ils veulent découvrir le monde. Comment use-t-on du monde ? Ou comment le monde nous use-t-il ? Est-ce que ce sont les voyageurs qui font le voyage ou est-ce le voyage qui fait les voyageurs ? L’Usage du monde est autant un récit de voyage qu’un récit de survie. Comme le remarque Christiane Albert, ce livre, publié en 1963, plusieurs années après la fin du voyage, est l’histoire d’une initiation[10]. Après Kaboul, Bouvier est descendu jusqu’à Ceylan où il est resté plusieurs mois. Il relate cette aventure dans son livre intitulé Le Poisson-Scorpion.[11] Thierry Vernet a dessiné les illustrations de l’Usage du monde, mais il a aussi tenu une correspondance/carnet de voyage, Peindre et écrire chemin faisant, qui a été publiée en 2006 et qui révèle les menus détails du voyage[12].

***

Deux femmes et deux hommes en route successivement vers l’Afghanistan. Comment vivent-ils la route, le déplacement, les difficultés qu’ils surmontent ? Comment perçoivent-ils les paysages qui défilent, les gens qu’ils rencontrent ? Peut-on différencier la voyageuse du voyageur ? C’est ce que nous allons essayer de capter dans les écrits de ces quatre compatriotes. Pour Maillart, ce voyage est une expérience de plus, elle retrouve les paysages qui la rendent heureuse, mais elle veut aussi aider son amie Annemarie (Christina dans le texte) à vaincre la morphine. Pour Annemarie, c’est une voie cruelle, une porte étroite, elle veut prouver, à elle-même et au monde, qu’elle peut se débarrasser de la morphine, comme Gérard de Nerval qui avait entrepris un voyage en Orient pour prouver à ses amis qu’il était complètement guéri de ses crises de folie. Quant à Bouvier et Vernet, ils sont jeunes, ils sont enthousiastes, ils s’initient à l’usage du monde.

 

image010_3.jpg
Nicolas Bouvier et Thierry Vernet

 

image012_0.jpg
Thierry Vernet

Modalités du voyage

Le voyage des femmes est agencé au détail près. Ella Maillart avait déjà fait l’année précédente, en camion et en autobus, le trajet entre la Suisse et l’Afghanistan, et elle avait déploré le manque de liberté du voyageur qui utilise ces moyens de transport. Partir en voiture était pour ainsi dire une aubaine pour elle. Mais pouvait-on dire la même chose pour la conductrice de la voiture, Annemarie Schwarzenbach ? La célébrité de Maillart était un grand avantage pour Annemarie et d’ailleurs, c’est ce qu’a exprimé la mère de celle-ci, tout de même un peu inquiète de voir sa fille partir si loin en voiture[13]. Mais il y avait aussi le danger pour elle de se faire dominer par Maillart qui n’a pas hésité à remarquer que ses amis lui avaient déconseillé de partir avec Annemarie. « Pendant ce séjour londonien, j’habitais chez Irène, qui avait rencontré Christina à Téhéran en 1935. Selon elle, j’étais malavisée de partir avec une telle compagne : je n’atteindrais jamais Kaboul et pas davantage l’Iran»[14]. Pourtant, malgré son instabilité psychique et sa fragilité physique, Annemarie tiendra le coup et surprendra Ella par sa résistance. Quand, en Afghanistan, leur voiture s’enlise dans le sable, « Je fus la première à tout lâcher », avoue Ella. « Contrariée, épuisée, je m’assis tandis que Christina pellait encore. Où cachait-elle cette force dont elle faisait preuve ? »[15]

Bouvier et Vernet forment « une équipe » : ils sont avant tout complices dans ce voyage où Nicolas apporte l’avantage de ses expériences passées. Ils ne se sont rien promis et pourtant, Nicolas avait imaginé « qu’ils boucleraient la boucle ensemble »[16]. Thierry Vernet ne supporte pas la solitude de l’hiver à Tabriz et fait une dépression. Ils vont quand même continuer ensemble jusqu’à Kaboul où Thierry prendra l’avion pour Ceylan, pour retrouver son amie Flo. Nicolas constate qu’« on voyage pour que les choses surviennent et changent : sans quoi on resterait chez soi»[17]. Durant la pénible traversée du sud de l’Iran, Thierry et Nicolas sont souvent à bout ; franchir le petit col de Gaoulakh leur coûte beaucoup d’efforts et, au haut du col, ils ont des larmes aux yeux. Nicolas installe Thierry « qui sanglotait, à l’ombre sous la voiture »[18].

Il est vrai que Bouvier et Vernet ont choisi un itinéraire particulièrement pénible pour atteindre l’Afghanistan. La traversée des Balkans et de la Turquie se fait sans difficulté. L’hiver les surprend à Tabriz où ils attendent l’arrivée du printemps dans une maison de « l’Arménistan ». Avec les beaux jours, ils rejoignent Téhéran. Leur voyage est marqué de séjours plus ou moins longs : Belgrade, Prilep, Istanbul, le fascinant hiver passé à Tabriz, Téhéran, Quetta et finalement Kaboul. Les voyageurs ne sont pas pressés, il leur faut avant tout gagner l’argent du voyage, il leur faut survivre au voyage, user du voyage pour découvrir le monde. Ils ont choisi le trajet le plus long pour Kaboul : descendre au sud de l’Iran, passer par les pistes désertes et poussiéreuses de Yezd, Kerman, Bam et Zahidan et contourner l’Afghanistan par le nord du Pakistan pour aboutir à Quetta. De Quetta, ils franchissent le passe de Kodjak et arrivent à Kaboul via Kandahar. À Kaboul, les deux amis se séparent. Bouvier traversera seul le « Khyber pass ».

Annemarie Schwarzenbach franchira, elle aussi, le « Khyber pass » seule. Les deux voyageuses, elles aussi, se sont séparées à Kaboul. Leur trajet pour arriver à Kaboul était différent. Elles sont arrivées en Afghanistan directement par le nord de l’Iran. La traversée de la Turquie, comme d’ailleurs pour Bouvier et Vernet, leur semblait redoutable, c’est pourquoi elles ont pris un ferry entre Istanbul et Trabzon et sont descendues rapidement vers l’Iran. Les villes iraniennes ont défilé une à une : Tabriz, Téhéran, Mechhed... Elles entrent en Afghanistan par Islam Kaleh et arrivent à Herat. Puis elles vont remonter vers le nord, longer la frontière « soviet » du Turkménistan et de l’Ouzbékistan, et rejoindront Kaboul par Samangân, Pol-e Khomri, Bamiyan et Begram. Quand elles arrivent à Kaboul, la guerre a éclaté en Europe. Maillart voulait continuer son voyage jusqu’au Nuristan, mais les étrangers n’y sont plus acceptés. Alors, les deux amies se quittent et Ella part pour l’Inde. Elle va passer la guerre dans un ashram. Annemarie lui rendra visite avant de retourner en Europe.

***

Deux trajets commencés dans les montagnes suisses et terminés dans les montagnes afghanes, deux trajets différents dont les difficultés sont toutefois quasi les mêmes au regard du troisième protagoniste : la voiture ! La Ford toute neuve et la Fiat Topolino retapée sont les compagnes sine qua non de ces voyageurs. La voiture représente la liberté, la possibilité de s’arrêter et de repartir à volonté, de choisir l’itinéraire et d’avoir un refuge en cas de besoin. C’est la voiture qui conquiert les pistes de l’Iran et de l’Afghanistan. Les voyageuses ont l’avantage de conduire une voiture neuve, c’est sans doute pourquoi les difficultés mécaniques ne se produisent qu’au moment de traverser les rivières, les lits de sable ou de monter les collines. Par contre, la Fiat Topolino tombe très souvent en panne et, bien que Bouvier et Vernet se connaissent plus ou moins bien en mécanique, ils doivent attendre que les mécaniciens du bout du monde, à l’exemple du patron du Khyber Pass Mechanical Shop, « un géant noir comme la poix »[19], fassent des miracles. Leur périple est ponctué par les tracas mécaniques, tandis que du côté des voyageuses, malgré les idées reçues sur les femmes conductrices, encore fort rares en 1939, tout se passe relativement bien[20].

La Ford d’Annemarie Schwarzenbach côtoie des voitures célèbres : celle du roi Zog d’Albanie, dans un garage à Istanbul. Elle voyage sur le pont du ferry Ankara jusqu’à Trabzon. Elle est toujours à la hauteur de ce qu’on demande d’elle. Elle impressionne autant par sa belle allure que par ses passagères. Sur les photos, sa grosse roue de rechange la rend absolument fiable. Cette roue est d’ailleurs primordiale et on ne se met jamais en route sans qu’elle soit dûment gonflée.

La Fiat Topolino est beaucoup plus modeste. Elle symbolise l’esprit d’aventure de Bouvier et de Vernet. L’auto-stop ou les camions la remplacent aisément, comme Bouvier en fait l’expérience lors de ses déplacements dans les environs de Kaboul. Les voyageurs ne s’éloignent pas trop de la route principale. Les arrêts se font dans les « tchâïkhanés », où s’arrêtent tous les camions qui vont vers la même direction. Le sésame de la Fiat est une inscription en persan, sur la portière de gauche : des vers de Hafiz qui garantissent la bienveillance de la population locale :

Même si l’abri de ta nuit est peu sûr
et ton but encore lointain
sache qu’il n’existe pas
de chemin sans terme.
Ne sois pas triste.[21]

Ella Maillart et Annemarie Schwarzenbach ont fait un pacte de voyage. « Nous avions décidé d’observer quelques règles qui devaient faciliter notre voyage. Tente et souper devaient être prêts avant l’obscurité. La fatigue devait être franchement déclarée puisque nous n’étions pas en bonne santé. »[22] Elles vont prendre leur temps et jouir de l’expérience viatique sans vouloir à tout prix atteindre leur but le plus vite possible. Elles ont dans la voiture un équipement de camping et toute une panoplie pour survivre dans la nature. Annemarie prépare même un risotto au milieu de l’Afghanistan. Elles descendent dans les hôtels qui offrent un minimum de confort, conçus par l’état afghan pour accommoder les rares touristes qui circulent dans le pays. Parfois, elles sont reçues par des chefs de village. Elles sont respectées en tant que femmes et étrangères[23]. Dans les grandes villes, elles descendent chez leurs amis. Le fait d’être des femmes seules leur procure une protection, un avantage, voire un privilège. La seule fois où elles se sentent en danger est dans un lieu saint de pèlerinage à Mechhed[24].

Nicolas Bouvier et Thierry Vernet sont obligés de s’arrêter dans les grandes ou petites villes, là où ils jugent qu’ils peuvent gagner de l’argent. Ils vivent aussi au rythme de la Fiat. Quand elle tombe en panne, ils s’arrêtent, ils profitent de la solidarité des mécaniciens et des camionneurs, « [à] tel point que L’usage du monde peut se lire comme un récit d’amitié et de solidarité exemplaires »[25]. Tous les « tchâikhanés » qui s’égrènent le long de la route leur servent de refuge et d’auberge. Leur séjour à Quetta, où ils sont accueillis par le propriétaire d’un bar, relève du fantastique, d’un mirage inattendu dans cette ville perdue aux confins de l’Afghanistan et du Pakistan[26]. Un itinéraire ardu, une voiture imprévisible, des repas et des hébergements de fortune, le voyage s’avère plus éprouvant pour les hommes.

 

 image014_0.jpgimage016_0.jpg
Annemarie Schwarzenbach

La perception de l’autre

Le voyage en Afghanistan est avant tout un voyage dans une géographie totalement différente de la Suisse. Cette géographie exotique est idéalisée par Ella Maillart. Dès les premières vallées arides et désertiques, elle rêve de l’Hindou Kouch. Elle est particulièrement heureuse quand elle roule le long de la silhouette majestueuse de l’Hindou Kouch et par delà, elle imagine les montagnes du Pamir et les grandes étendues de l’Asie centrale.

Ella Maillart reste fidèle à la tradition de la relation de voyage, et elle cite les voyageurs qui ont visité le pays avant elle[27]. Elle reprend les informations historiques, géographiques et culturelles données par ses prédécesseurs. En traversant Balkh, elle insiste longuement sur Mevlana, le grand philosophe musulman d’origine tadjik dont elle cite des passages[28]. Toujours selon la tradition des voyageurs, Ella Maillart décrit les monuments importants que les deux femmes découvrent sur leur passage. Elle se souvient également de son voyage précédent, faisant de La Voie cruelle un texte palimpseste[29]. À mesure qu’elle s’approche de Kaboul et des steppes de l’Asie centrale, son enthousiasme augmente. À Kaboul, les nouvelles provenant de l’Europe brisent son élan : elle ne pourra pas aller au Nuristan.

L’Usage du monde se présente de prime abord comme une œuvre hétéroclite. Sarga Moussa, dans l’article[30] qu’il consacre à Nicolas Bouvier, compare la démarche de celui-ci avec celle des célèbres voyageurs en Orient du XIXe siècle et, malgré un aspect « guide du routard », l’Usage du monde s’avère être bel et bien un récit de voyage. Bouvier trace en quelques traits habiles l’atmosphère du pays où il se trouve, indique son histoire officielle et officieuse, et y ajoute ses propres commentaires. Il en résulte un texte qui ne se prend pas au sérieux, mais qui illustre la transformation du genre. Dans la première partie du livre, Bouvier ne mentionne pas les monuments des villes traversées. À Téhéran, il décrit plus l’Institut français que les autres bâtiments locaux mais à Ispahan, il est inspiré par la mosquée royale Masjid-é-Shah où « on mettrait aisément une centaine d’autobus et peut-être encore Notre-Dame »[31]. À Persépolis, il cite tout de même l’histoire de cette ville millénaire et décrit les ruines, mais une panne de la Fiat dévie son intérêt vers des préoccupations plus terre à terre. Lors de leur séjour à Quetta, Bouvier mentionne brièvement les événements qui ont conduit à la libération et à la partition de l’Inde[32]. À Kaboul, il s’attarde longuement sur l’histoire de l’Afghanistan[33], notamment sur Bâbur, le roi turco-mongol qui rêva de retourner à Kaboul pendant toute sa vie.

***

La date où Maillart et Schwarzenbach commencent leur voyage est cruciale pour l’Europe. La menace nazie se précise chaque jour davantage et les deux femmes veulent s’éloigner de ce cauchemar qui s’annonce. Elles voyagent « pour trouver ceux qui savent encore vivre en paix »[34]. Comme leur célèbre compatriote Rousseau, elles se demandent si trop de civilisation ne nuit pas à l’homme[35]. Le contraste entre la richesse et la prospérité de la Suisse et la pauvreté et l’indigence de l’Afghanistan n’est jamais mentionné par les voyageuses. Au contraire, Maillart loue la vie simple et authentique des Afghans, qui n’ont pas perdu leurs valeurs traditionnelles et leur dignité. Tandis que tout bascule dans le chaos dans l’Europe civilisée, l’Afghanistan éternel s’impose avec ses traditions immuables.

De l’autre côté de cette frontière (afghane) dont nous nous approchions, nous allions voir un mode de vie patriarcal, simple et harmonieux, probablement parce qu’on y faisait place à un facteur inconnu, appelé « divin », tandis que chez nous où, tel Prométhée, les hommes se sont attribué tous les pouvoirs de la nature, la vie nous mène en cabanon.[36]

Maillart scrute l’horizon pour apercevoir les yourtes des nomades qui viennent du fin fond de l’Asie centrale. Elle conçoit le monde des nomades comme un refuge. Schwarzenbach regrette, elle aussi, la disparition des nomades qui sont sédentarisés de force en Iran. Les pères sont emprisonnés, car leurs fils se sont enfuis en Turkménistan soviétique pour garder leur liberté. Schwarzenbach offre une vision dichotomique : d’un côté « les tentes noires, les sacoches de selle bigarrées », de l’autre « des champs de coton, des séchoirs à tabac, des usines textiles, et aussi des écoles et des hôpitaux et des casernes »[37].

C’est le voyage en soi qui fascine Nicolas Bouvier et Thierry Vernet. Ils seront donc très sensibles à l’attrait des gens de voyage qu’ils rencontrent. Plus que les nomades, ce sont les tziganes qui incarnent leurs rêves, et c’est pour en enregistrer la musique, musique unique qui a les accents de tous les déplacements, qu’ils partent à la recherche d’un petit village gitan en Yougoslavie. Par contre, les tziganes qu’ils rencontrent en Iran, les Kaoli, font plutôt figure de bandits de grand chemin[38]. Les gens déracinés qu’ils fréquentent à Quetta sont aussi un peu bohémiens.

Les camionneurs sont également des gens de voyage que Bouvier et Maillart admirent au même titre que les nomades et les tziganes. Les deux voyageurs ont fréquenté un grand nombre de camionneurs dans les « tchâïkhanés », mais c’est à l’occasion de ses tribulations autour de Kaboul que Bouvier révèle tous les détails du monde des camionneurs. Le véritable propriétaire du camion est Allah ; le motor-sahib est son « détenteur terrestre » ; le mesteri est son second et son lieutenant. En fait, c’est lui qui fait tout le travail et il fait tout son possible pour devenir motor-sahib à son tour. Le troisième personnage, et non le moindre, est le kilinar - corruption de l’anglais cleaner. Ce pauvre hère a la vie dure. C’est lui qui fait les menus travaux du camion. « Dans les cols, il voyage accroché à l’arrière du camion, son visage tordu par le froid (…) Il passe ainsi des nuits entières, secoué à rendre l’âme, giflé par un vent glacial qui lui souffle son mégot en gerbes dans les yeux… »[39]. Moins réaliste que Bouvier, Ella Maillart poétise « les camions d’Asie ». Elle remarque, elle aussi, les conditions pénibles des apprentis, mais l’attrait du voyage est plus fort chez elle que toute autre considération.

Si j’étais née garçon dans un village afghan, j’aurais probablement débuté comme aide-chauffeur sur l’un des trois mille camions du pays. C’eût été le meilleur moyen de voyager jeune : un jour lacéré par le vent de neige sur le col, glissant le lendemain sur le bitume brûlant à l’est du Khyber (…) si heureux d’appartenir au monde des hommes que le manque de sommeil ou de nourriture n’eût été qu’une autre manière de vivre.[40]

Gérard de Nerval, Flaubert et Pierre Loti ont déploré le changement en Orient et ont pensé que l’exotisme allait se perdre peu à peu et que tous les pays du monde finiraient par se ressembler[41]. Ella Maillart craint elle aussi la modernisation de l’Afghanistan. Selon elle, les Afghans ne vont pas beaucoup gagner à imiter les Occidentaux et à adopter leurs usines, leurs écoles et leurs bâtiments. Visitant une filature au cœur de l’Hindou Kouch, elle demande aux ingénieurs allemands s’ils ne sont pas inquiets

de penser à la misère que cette grande construction avait déjà causée dans la vallée. Les acquisitions techniques de notre civilisation ne sont-elles pas une malédiction lorsqu’elles arrachent les Afghans à leur milieu et les plongent trop brusquement dans une vie qui n’a pas été faite pour eux ?[42]

Faut-il enfermer les nomades dans des baraques misérables et les condamner à travailler dans des fabriques insalubres, pour enrichir quelques industriels éduqués en Europe ? La problématique de la modernisation est très présente dans le texte d’Ella Maillart qui ne veut pas voir changer l’Afghanistan. Elle s’en prend même aux écoles ! Sont-elles nécessaires pour les Afghans qui savent traditionnellement tant de choses que les Européens ignorent ? Et d’ailleurs, est-il vraiment nécessaire aux nomades de lire et d’écrire ?

Naturellement je suis contente de pouvoir lire et écrire et de savoir additionner mes dépenses quand ma bourse est vide : mais les écoles ne développent pas les facultés autant qu’elles les étouffent par un amas de faits usés et d’arguments incomplets…[43]

Nous voyons une approche similaire chez Nicolas Bouvier. Pendant la traversée de l’Anatolie, il présente d’une façon ambiguë les écoles qui propagent les idées républicaines et réformistes. En Iran, il ironise à propos d’un Américain dont le projet est d’aider les paysans à construire des écoles :

En second lieu cette école ne les (les paysans) intéresse pas. Ils n’en comprennent pas l’avantage. Ils n’en sont pas encore là. Ce qui les préoccupe, c’est de manger un peu plus, de ne plus avoir à se garer des gendarmes, de travailler moins dur ou alors de bénéficier davantage du fruit de leur travail. L’instruction qu’on leur offre est aussi une nouveauté. Pour la comprendre il faudrait réfléchir mais on réfléchit mal avec la malaria, la dysenterie (…) Si nous réfléchissons pour eux, nous verrons que lire et écrire ne les mèneront pas bien loin aussi longtemps que leur statut de « vilain » n’est pas radicalement modifié.[44]

Les Suisses ne sont pas convaincus par les bienfaits que le développement va apporter à l’Afghanistan. Ils estiment qu’il ne faut pas intervenir dans le mode de vie des Afghans, quels que soient les problèmes.

Ella Maillart, qui admire la culture nomade, admire également les hommes afghans. Elle est heureuse de constater qu’ils ont gardé le turban traditionnel et qu’ils ne l’ont pas remplacé par la casquette, comme en Iran[45]. Elle partage l’attitude de Théophile Gautier qui regrettait vivement la disparition des vêtements traditionnels en Orient[46]. Elle est très sensible au charme de l’homme afghan. Quand les voyageuses s’arrêtent en route pour parler avec des femmes vêtues de noir et de rouge (des femmes nomades), apparaît un « homme magnifique » qui bouscule celles-ci. « Mais, sûr de lui, l’homme était si beau, faucille en main, yeux dorés sous le turban noir, petite moustache, lèvres pulpeuses montrant des dents saines, que notre rencontre avec les sorcières noires perdit son intérêt »[47]. L’homme afghan est à Ella Maillart ce qu’est la femme orientale aux voyageurs en Orient, avec toutefois un avantage important : il est très visible ! Cette admiration de Maillart pour les hommes afghans est partagée par Schwarzenbach qui constate, elle aussi, que son guide à Istalif est « beau comme un dieu »[48], comme le sont aussi les hommes des tribus du Sud[49].

Les femmes afghanes sont absentes du paysage. « Comme d’habitude pas une femme en vue »[50], note Maillart quand elles arrivent dans une ville afghane. Les voyageuses croisent parfois des « silhouettes en linceul guidant leurs pas grâce au petit guichet ou treillis brodé devant leurs yeux »[51], mais ces femmes « dissimulées » n’intéressent Maillart que dans la mesure où elles sont un obstacle pour les conductrices, car elles ne voient ni n’entendent leur voiture ! Ella Maillart ne compatit à la situation de ces femmes empaquetées qu’à l’occasion de leur rencontre avec une Allemande en bourka, marchant seule le long de la route. Elle a relevé son tchador gris et laisse voir un visage pâle et triste. Mariée à un Afghan, elle attend la réforme. Face à cette Européenne qui souffre d’être emprisonnée, Maillart se félicite « d’avoir les bras nus offerts au soleil », d’être libre, totalement libre, même si cette liberté était difficile à assumer[52].

Nicolas Bouvier remarque, comme Ella Maillart, que les femmes sont invisibles. Les seules femmes visibles sont les filles de joie, mais il a été prévenu contre elles par son père[53], et il se souvient avec émotion de la recommandation de celui-ci. La seule fois où il a l’occasion d’entrevoir une jolie femme, c’est à l’auberge de Chiraz, et il décrit la scène avec délice, dans la pure tradition du voyage en Orient : il s’agit d’une jeune servante tzigane. « Elle porte un mouchoir vert sur la tête, un caraco rouge qui couvre ses bras et ses seins, et des pantalons flottants de la même soie verte que le mouchoir, serrés aux chevilles par des anneaux d’argent »[54]. Il se gorge de beauté et de grâce, car « c’est bien nécessaire ici où tout ce qui est jeune et désirable se voile, se dérobe ou se tait »[55]. Et l’on comprend mieux l’avantage des voyageuses qui, elles, peuvent voir à volonté l’objet de leur désir !

Annemarie Schwarzenbach sera amenée, presque malgré elle, à réfléchir à la situation des femmes en Afghanistan. Quand elle voit pour la première fois des femmes qui travaillent dans les champs en Bulgarie, craintives, voilées de noir de la tête aux pieds, elle se dit « des mahométanes ! »[56]. Un monde, une religion séparent la jeune conductrice habillée en homme de ces pauvres femmes. En Afghanistan, elle ne rencontre aucune femme et se trouve très à l’aise parmi « ce peuple non corrompu, viril et gai »[57]. Les quelques apparitions fantomatiques, les femmes portant la bourka ou le tchadri, n’ont rien d’humain. Elle remarque qu’en Turquie ou en Iran, elles ont rencontré des écolières, des étudiantes, des femmes indépendantes ayant une activité professionnelle. En Afghanistan, le roi Amanullah avait tenté en vain d’introduire des réformes. Annemarie et Ella avaient demandé ce qu’allaient devenir les femmes dans le programme progressiste de l’Afghanistan à un jeune gouverneur, qui avait esquivé la question. À Qaisar, le bourgmestre invite les deux voyageuses à son harem où elles font la connaissance de ses femmes et de ses filles qui sont charmantes, intelligentes et vives. Cependant, elles sont confinées dans leur jardin. Schwarzenbach se demande s’il est « bon, voire nécessaire de les éduquer, de les instruire et de leur installer le poison de l’insatisfaction »[58]. Même si les hommes afghans voulaient l’émancipation de leurs femmes, Schwarzenbach n’est pas sûre de la nécessité de cette libération, car la liberté n’apporterait pas forcément le bonheur à ces dernières. Pourtant, la rencontre avec une Française en tchadri, qui est mariée à un Afghan et qui paraît extrêmement malheureuse, bouleverse Annemarie. Elle entrevoit alors le drame de toutes ces femmes enfermées dans les traditions.

Il est possible qu’aujourd’hui en Europe nous soyons devenus sceptiques face à des slogans tels que liberté, responsabilité, égalité des droits pour tous. Mais il suffit d’avoir vu de près cette forme sournoise d’esclavage – qui transforme des créatures de Dieu en des individus maussades et apeurés – pour secouer comme un mauvais rêve son découragement et écouter à nouveau la voix de la raison, qui nous incite à croire aux valeurs simples, à une existence digne et humaine, et à les défendre.[59]

Schwarzenbach regrette la situation des femmes de Kaboul mais ne va pas jusqu'à affirmer qu’une existence « digne et humaine » pour les femmes afghanes ne sera possible que par l’éducation et la libération.

Conclusion

Deux femmes intrépides, deux hommes aventureux, un pays qui change peu entre les deux voyages. Dans les œuvres de ces quatre voyageurs, ce n’est pas le sexe qui détermine l’image de l’autre. Le sexe détermine encore moins les difficultés du voyage. Les voyageurs posent avec acuité la problématique de la modernisation et du progrès, et ils ne pensent pas que le développement résoudra les problèmes de l’Afghanistan. Ils admirent ce pays tel qu’il est, un peu à l’écart du monde civilisé, car il possède des valeurs qui sont inconnues en Occident. Les femmes afghanes sont des objets d’exotisme aussi bien pour Ella Maillart que pour Nicolas Bouvier. Seule, Annemarie Schwarzenbach a de l’empathie pour elles, grâce à sa sensibilité à fleur de peau.

En fait, les œuvres de ces voyageurs sont tellement riches que ce travail ne peut que leur servir d’introduction. Ella Maillart est devenue aujourd’hui un mythe tandis que L’Usage du monde est considéré comme un livre culte. Annemarie Schwarzenbach est redécouverte à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance[60]. La correspondance de Thierry Vernet, qui a été récemment republiée, éveillera sans doute l’intérêt du public et de la critique.

Quant à l’Afghanistan, ce pays n’a pas laissé d’être à l’ordre du jour des actualités mondiales. Si la modernisation, le développement technique et l’éducation, si peu encouragés par les voyageurs suisses, avaient été menés à bien, le terrorisme n’aurait peut-être pas ravagé les montagnes de l’Hindou Kouch.

Arzu Etensel Ildem

Notes de pied de page

  1. ^ Amandine Roche s’est inspirée elle aussi de ces noms qui ont « chanté dans sa tête ». Cf. Amandine Roche, Nomade sur la voie d’Ella Maillart, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2005.
  2. ^ Cf. Peter Fleming, News from Tartary: A Journey from Peking to Kashmir, Oxford, Alden Press, 1936.
  3. ^ Cf. Ella Maillart, Oasis interdites, Paris, Payot, 1990.
  4. ^ Olivier Weber, Je suis de nulle part, sur les traces d’Ella Maillart, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2004, p. 275-276.
  5. ^ Cf. la très belle biographie d’Annemarie Schwarzenbach rédigée par Dominique Laure Miermont, Annemarie Schwarzenbach ou le mal d’Europe, Paris, Payot, 2004.
  6. ^ La version remaniée de cette œuvre paraîtra en 1940 sous le titre de La Vallée heureuse.
  7. ^ Ella Maillart, La Voie cruelle, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2001, p. 22.
  8. ^ Olivier Weber, op. cit., p. 372-373.
  9. ^ Ibid., p. 373.
  10. ^ Christiane Albert, « L’Usage du monde, un livre culte ? » in Autour de Nicolas Bouvier, textes réunis par Christiane Albert, Nadine Laporte et Jean-Yves Pouilloux, Genève, Éditions Zoé, 2002, p. 67.
  11. ^ Cf. Nicolas Bouvier, Le Poisson-Scorpion, Paris, Gallimard, 1982.
  12. ^ Cf. Thierry Vernet, Peindre & écrire chemin faisant, Genève, Âge d’homme, 2006.
  13. ^ « Elle lui dit : Il faut parfois savoir prendre des risques, à supposer que tu sois décidée à continuer d’exercer ton métier. Et la chance que tu as de voyager avec Mlle Maillart ne se répétera pas tous les jours », Postface de Roger Perret in Schwarzenbach, Où est la terre des promesses, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2004, p. 181.
  14. ^ Ella Maillart, La Voie cruelle, Paris, Payot, 2001, p. 32.
  15. ^ Ibid., p. 188
  16. ^ Nicolas Bouvier, L’Usage du monde, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2001, p. 177.
  17. ^ Ibid.
  18. ^ Ibid., p. 301.
  19. ^ Ibid., p. 315.
  20. ^ Ella Maillart dit à ce propos : « Mais si je vais peu parler du troisième membre de notre expédition, le lecteur ne doit pas s’imaginer qu’ayant converti le sort à nos vues, tout se passa comme si nous avions progressé sur un tapis magique. » Ella Maillart, op. cit., p. 50.
  21. ^ Nicolas Bouvier, op. cit., p. 251.
  22. ^ Ella Maillart, op. cit., p. 159.
  23. ^ « J’avais conseillé à Christina de mettre une jupe. Aussi longtemps qu’elle porterait ses pantalons d’homme, on la prendrait pour un homme et les harems afghans lui resteraient fermés! D’autre part, j’étais convaincue que lorsque des difficultés surgissent en Asie, les femmes trouvent beaucoup plus vite de l’aide si elles ne sont pas accompagnées d’un homme. » Ibid., p. 159.
  24. ^ Ibid., p. 167-170.
  25. ^ Christiane Albert, op. cit., p. 61. 
  26. ^ Toutefois une surprise désagréable attend Bouvier à Quetta. Son manuscrit a été jeté à la poubelle par le boy de l’hôtel. Il va inspecter avec Vernet la décharge publique et les deux hommes se démènent sur les immondices dans une scène digne du roi des gadoues des Météores de Tournier. Nicolas Bouvier, op. cit., p. 345.
  27. ^ En passant par le col de Zihana, en Turquie, elle cite Xénophon (p. 82) ; à Tabriz, elle fait référence à Marco Polo (p. 109) ; à Soltaniyyé, elle mentionne Tavernier (p.134), et ainsi de suite tout au long du livre.
  28. ^ Ella Maillart, op. cit., p. 237-238.
  29. ^ « En cahotant nous fîmes les quelque quarante-cinq kilomètres qui nous séparent de Bazergan. Ce poste frontière n’avait pas changé : du côté turc je reconnus un chat efflanqué, puis une femme qui allaitait, coiffée d’une espèce d’échafaudage rappelant celui que portent les femmes turkmènes. Jambes croisées, elle était assise près de la même pile de combustible séché ; mais son bébé avait grandi. » Ibid., p. 101.
  30. ^ Sarga Moussa, « Nicolas Bouvier ou la réinvention du voyage en Orient au XXe siècle » in Seuils & Traverses IV, Actes, édités par Mehmet Emin Özcan, Ankara, Presses de l’Université d’Ankara, 2003, p. 164-176.
  31. ^ Nicolas Bouvier, op. cit., p. 262.
  32. ^ Ibid., p. 332.
  33. ^ Ibid., p. 371.
  34. ^ Ella Maillart, op. cit., p. 34
  35. ^ « La question pourrait se résumer ainsi : les avantages que procurent l’hôpital, l’école, le journal ou la radio compensent-ils aux yeux de l’ouvrier afghan, la perte de ce sourire facile qui accompagnait sa vie dure mais bien équilibrée de paysan ? », Ella Maillart, op. cit., p. 252.
  36. ^ Ibid., p. 180.
  37. ^ Annemarie Schwarzenbach, Où est la terre des promesses, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2004, p. 54.
  38. ^ Bouvier, op. cit., p. 270-271.
  39. ^ Ibid., p. 395.
  40. ^ Ella Maillart, op. cit., p. 256.
  41. ^ « L’Orient ne sera bientôt plus que dans le soleil. À Constantinople, la plupart des hommes sont habillés à l’européenne ; on y joue l’opéra ; il y a des cabinets de lecture, des modistes, etc. Dans cent ans d’ici, le harem, envahi graduellement par la fréquentation des dames franques, croulera de lui seul sous le feuilleton et le vaudeville… » Flaubert, Lettres de Grèce, Paris, Éditions du Peplos, 1948, p. 20.
  42. ^ Ella Maillart, op. cit., p. 248.
  43. ^ Ibid., p. 251.
  44. ^ Nicolas Bouvier, op. cit., p. 218.
  45. ^ Ella Maillart, op. cit., p. 202.
  46. ^ « Le vieux parti turc y siège (dans le bazar des armes) gravement accroupi, professant pour les chiens de chrétiens un mépris aussi profond qu’au temps de Mahomet II (…) Là se retrouvent les grands turbans évasés, les dolimans bordés de fourrure, les larges pantalons à la mamelouk, les hautes ceintures et le pur costume classique (…) cet aspect du Turc pur-sang tend à disparaître, et il faudra bientôt aller le chercher au fond de l’Asie. » Théophile Gautier, Constantinople, Paris, Christian Bourgeois Éditeur, 1991, p. 165.
  47. ^ Ella Maillart, op. cit., p. 257.
  48. ^ Schwarzenbach, op. cit., p. 125.
  49. ^ « Ils sont beaux avec leur longue chevelure, les broderies de leurs vestes bigarrées. » Schwarzenbach, Ibid., p. 46.
  50. ^ Ibid., p. 219.
  51. ^ Ibid., p. 202.
  52. ^ Ibid., p. 284.
  53. ^ « Une mise en garde embarrassée à propos de certaines femmes qui, que… dans les ports… » Nicolas Bouvier, op. cit., p. 269.
  54. ^ Ibid., p 275.
  55. ^ Ibid.
  56. ^ Annemarie Schwarzenbach, op. cit., p. 16.
  57. ^ Ibid., p. 85.
  58. ^ Ibid., p. 90.
  59. ^ Ibid., p.97.
  60. ^ Une exposition au musée Strauhof de Zurich (19 mars - 1er juin 2008) intitulée Annemarie Schwarzenbach- eine frau zu sehen présente ses photographies et une émission de télévision du WDR dans le cadre de la série « Titel-Thesen-Temperamente », Das rastlose leben des Annemarie Schwarzenbach (la vie chatoyante d’Annemarie Schwarzenbach) lui a été consacrée.

Référence électronique

Arzu ETENSEL IIDEM, « REGARDS CROISÉS », Astrolabe - ISSN 2102-538X [En ligne], Septembre / Octobre 2008 ITINÉRANCES FÉMININES, mis en ligne le 02/08/2018, URL : https://www.crlv.org/articles/regards-croises